Julie Allemand est fantastique, parole de Français

Commençons par un petit point. Vous vous dites peut-être qu’un article élogieux sur Julie Allemand était inévitable cette saison sur Swish Swish, quel que soit son niveau de jeu, patriotisme oblige. J’ai des amis chers en Belgique et j’aime beaucoup ce pays. Mais je suis Français et lorsque les Bleues affrontent les Cats, pas besoin de vous expliquer laquelle des deux équipes je supporte. Ce qui va suivre n’a donc aucun intérêt patriotique pour moi et aucun membre de Swish Swish né dans le Plat pays ne m’a mis le flingue sur la tempe (ça c’est plutôt lorsque j’ai l’outrecuidance de prononcer à la française des mots ou des noms de famille démarrant par un “w” – mes excuses à la légende Ann Wauters, dont le nom est quotidiennement écorché par mes compatriotes et moi-même depuis 20 ans) pour écrire cet article.

Julie Allemand aurait pu être portugaise, namibienne ou guatémaltèque, j’aurais dit très exactement la même chose : son début de carrière en WNBA est l’une des choses qui m’ont le plus bluffé depuis l’entame de cette saison et j’ai eu envie d’en parler. Indiana n’est pas toujours l’équipe la plus spectaculaire à voir jouer, mais la demi-heure quotidienne de la Liégeoise sur les parquets de la Wubble fait du Fever une franchise “League Pass” à mes yeux.

Si j’ai été bluffé, c’est aussi à cause de mon ignorance. N’étant pas un follower assidu de la LFB (je compte y remédier), je n’ai considéré Julie qu’à travers quelques matchs de l’ASVEL captés ici et là, mais surtout de par ses prestations avec la Belgique, particulièrement face aux Bleues. Dans mon esprit, elle faisait déjà partie des joueuses européennes les plus douées et prometteuses à son poste, je ne suis pas non plus aveugle ! Mais je dois bien reconnaître que lorsque mes camarades se frottaient logiquement les mains à son arrivée en WNBA, je craignais qu’elle n’ait qu’un rôle limité et que la différence de rythme et d’athlétisme entre les ligues européennes et le championnat américain ne lui pose problème. J’ai même un peu écarquillé les yeux lorsque Flo (aka @MysticsBE, aka “La Truffe”) l’a sélectionnée dans notre Fantasy League.

Au bout de deux matchs, et avant même qu’elle ne commence à distribuer du caviar tous les soirs, j’avais compris mon erreur de jugement.

Qu’importe le contexte si particulier de la Wubble. Qu’importe la nouveauté d’évoluer avec des joueuses qui parlent toute une autre langue et pratiquent un basket différent. Julie Allemand est comme un poisson dans l’eau en WNBA. On parle souvent des statistiques, mais c’est déjà sur l’impression visuelle que la future joueuse du BLMA – Edwige Lawson-Wade a bien raison de se féliciter quotidiennement de sa venue – m’a estomaqué. La voir créer immédiatement une relation technique avec une star comme Candice Dupree (elles excellent sur pick and pop) communiquer avec ses partenaires sans s’effacer, ou constater qu’elle orchestre le jeu d’Indiana avec une assurance qui laisse penser qu’elle est là depuis 10 ans, ont déjà été des premiers points de satisfaction. Tout n’est pas parfait et elle apprivoise encore certains aspects, évidemment. Mais la vitesse à laquelle elle prend ses marques est sidérante.

Au sortir du match contre Minnesota, on pouvait se dire que l’un des axes de progression dans son jeu était celui des pertes de balle. Elle restait ainsi sur 14 turnovers sur ses trois dernières sorties. Qu’a-t-elle fait derrière ? Six quart-temps consécutifs (le match entier face à Washington, puis la première mi-temps contre Las Vegas) sans le moindre ballon perdu. Et ce n’est pas uniquement parce qu’elle se serait mise à jouer plus prudemment. Dans la circulation de balle et la recherche de ses partenaires dans les meilleures conditions, Julie Allemand reste la joueuse la plus aventureuse et créative du Fever. On pourrait presque même dire la seule. A vrai dire, le fait qu’elle soit la seule à posséder ce profil altruiste et gestionnaire la rend aujourd’hui indispensable à son équipe.

Je pense sincèrement que si elle avait décidé de rester en Europe, Indiana ne serait pas 7e ex-aequo après 8 matchs. La présence de Julie sur le terrain explique en partie qu’Indiana figure parmi les meilleures équipes au classement de l’offensive rating. Sans sa capacité à délivrer des passes décisives à la pelle, mais aussi à simplement imprimer le bon tempo, pas sûr que Mitchell ait connu ce boost offensif, ni que Dupree fasse sa meilleure saison en termes de production offensive depuis 10 ans.

L’absence d’Erica Wheeler a évidemment changé la donne, mais Allemand n’est pas une titulaire au rabais. Elle est tout simplement la 4e joueuse la plus utilisée de la ligue au temps de jeu moyen derrière le tandem de Connecticut Alyssa Thomas-DeWanna Bonner et sa coéquipière Kelsey Mitchell. Si Marianne Stanley a rapidement donné les clés du camion à sa rookie, ce n’est pas pour rien. Une caractéristique de Julie a particulièrement marqué la coach du Fever.

“Elle est infatigable. Elle ne s’arrête jamais. Je n’ai jamais coaché une meneuse qui travaillait aussi dur qu’elle de toute ma vie et je dis ça sincèrement. Julie ne se repose jamais. Elle est arrivée aux Etats-Unis dans une condition physique fantastique. C’est la preuve que c’est une vraie pro. Elle savait qu’elle aurait beaucoup de temps de jeu et qu’on attendrait d’elle qu’elle fasse le boulot”, explique Stanley dans des propos relayés par Winsidr.

Rien ne remplace ce que l’on ressent en regardant un match. Et effectivement, l’activité et l’énergie dépensée par la numéro 20 d’Indiana sautent aux yeux. Son intelligence tactique aussi. C’est de ce point de vue là, notamment, qu’elle a de l’avance sur d’autres débutantes de la promo 2020 qui n’ont jamais eu à batailler dans des championnats professionnels ou en sélection. Mais puisque le basket est aussi un sport de stats, il faut souligner les chiffres qui permettent de mettre un peu en valeur l’impact de Julie Allemand.

Courtney Vandersloot est sur une autre planète à la passe, mais derrière, Allemand est une référence en la matière cette saison. Elle est à l’heure actuelle au coude à coude avec Diana Taurasi pour la deuxième place des passeuses les plus prolifiques de la ligue avec 5.8 assists par match. Être située entre deux futures membres du Hall of Fame dans ce classement et juste au-dessus de Chelsea Gray, il y a nettement pire.

https://twitter.com/WnbaFrance/status/1290039003077414912?s=20

Pour ce qui est du tir, dire que celui de la meneuse des Cats est bien en place serait un euphémisme. Julie Allemand a rentré 15 de ses 28 tentatives à 3 points (53.6%, soit la 6e meilleure adresse de la ligue) et les 8 lancers francs qu’elle a eu à exécuter. Que ce soit sur catch and shoot ou en se créant son propre tir, la confiance est là. Les équipes adverses qui ne la considèrent que comme une passeuse à neutraliser payent généralement le prix lorsqu’ils l’oublient au large ou défendent avec trop de nonchalance sur elle.

https://twitter.com/IndianaFever/status/1293323833362075649?s=20

En défense, la Belge a réussi quelques contres spectaculaires (dont un sur… Sylvia Fowles), tourne à 1.5 interceptions par match et a tenu son rang face à la plupart des meneuses sur lesquelles elle a dû défendre. Le Fever l’a d’ailleurs nommée à deux reprises meilleure joueuse défensive de la semaine. Si l’équipe a des difficultés indéniables de ce côté-là du terrain, son agressivité et son QI basket ont franchement permis de limiter la casse. Julie a elle-même reconnu qu’elle allait se concentrer sur les aides défensives, sur lesquelles on s’appuie davantage en WNBA, et tenter d’appréhender au mieux les coups de sifflet des arbitres, un peu plus tatillons qu’en Europe.

https://twitter.com/WnbaFrance/status/1291862153159421952?s=20

Enfin, il y a le langage corporel. Celui que l’on ne peut capter en se contentant d’un boxscore. Tout chez elle transpire l’intensité et la rage de vaincre. Il n’est pas rare, après une passe décisive, de la voir serrer le poing. Et dans le même temps, on voit bien que ce n’est pas qu’un job et qu’elle tire un plaisir incroyable de cette première expérience américaine.

Impossible de savoir de quelle manière les choses vont se goupiller lorsqu’Erica Wheeler sera dans l’équation, mais la MVP du dernière All-Star Game a un arsenal différent et les qualités de Julie resteront fondamentales au bon fonctionnement du groupe. Qu’elle reste dans le cinq ou soit la première arrière à sortir du banc, ce qu’elle montre et a déjà montré – avec une marge de progression qui paraît encore importante ! – est suffisant pour lui imaginer un destin fabuleux.

A l’heure actuelle, je la mettrais sans aucun souci dans la All-Rookie Team 2020. Le titre de Rookie de l’année paraît encore un peu inaccessible tant que Chennedy Carter, pour ne citer qu’elle, a des chances de jouer un nombre conséquent de matchs. Mais l’important n’est pas là. Julie Allemand a la personnalité et le talent pour être une joueuse qui compte en WNBA et pour laquelle le public européen aura envie de se lever la nuit. C’est déjà mon cas et je suis prêt à prendre les paris que ce sera celui de beaucoup d’autres dans les années à venir.

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