Une des 144

Dans un article pour The Player’s Tribune, Napheesa Collier, la rookie de l’année, revenait récemment sur les moments clefs qui, de son enfance dans le Missouri à son passage par les rangs mythiques d’UConn, ont permis son ascension jusqu’au sommet de la WNBA. Oui, Phee adore le basket, et y excelle — mais elle n’a pas que ça à vous dire.

Source : One of the 144


Il n’y a vraiment rien de mieux que la sensation d’être dans sa bulle..

La simple sensation que le temps passe, mais sans qu’on le remarque vraiment car on est totalement concentrée et absorbée par ce que l’on est en train de faire.

J’aime cette sensation. Je l’adore. Et c’est pourquoi j’aime vraiment, vraiment lire.

On me demande tout le temps : « Qu’est-ce que tu ferais si tu n’étais pas athlète ? ». Je ne sais jamais vraiment comment répondre. Je sais que je veux être basketteuse professionnelle depuis le jour où j’ai reçu ma première offre pour jouer à l’université en quatrième. Jouer en WNBA ?! Avec les Lynx ? Je ne peux rien imaginer de mieux.

Maaais…

S’il existait un moyen d’être payée à lire des romans policiers toute la journée ? Ce serait pas mal non plus, j’avoue. Ma romancière préférée, c’est Ruth Ware. J’ai lu tous ses livres (les connaisseurs ont sans doute déjà lu The Woman in Cabin 10 et In a Dark, Dark Wood, mais si ce n’est pas le cas, ajoutez tout de suite ces ouvrages en haut de votre liste). 

Chaque joueuse en WNBA a sa propre façon de se concentrer avant un match. Moi, je me suis toujours mise dans ma bulle avec un bon roman. Ça ne correspond peut-être pas à l’idée que la plupart des gens se font des athlètes, mais je n’ai jamais été un stéréotype. Toute ma vie, on m’a vue comme une fille plutôt coquette, mais j’étais aussi très sportive. L’un n’empêche pas l’autre. (C’est fou, je sais.)

Petite, j’ai pratiqué quasiment tous les sports, et j’adorais ça. Mais regarder le sport à la télé ? C’était pas trop mon truc..

Mon père vient d’Afrique occidentale, et il adore le foot et le football américain. C’était un fan inconditionnel des New York Giants et de Manchester United. Mais même si j’aimais jouer au foot, à chaque fois qu’il regardait la Première Ligue, je trouvais une autre pièce dans la maison où regarder Disney Channel.

Ça, mes parents l’ont toujours compris. Mais ils avaient aussi conscience du fait que j’avais des dispositions naturelles pour la plupart des sports. J’ai un frère, Kai, qui a quinze mois de moins que moi, et on était en compétition sur à peu près tout quand on était petits. Les forces étaient plutôt bien distribuées parce qu’il était plus puissant, mais j’étais plus grande et plus rapide.

On jouait tout le temps au football américain avec notre père dans le jardin. Comme je vous l’ai dit, il adore ce sport, donc ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était dessiner des systèmes fous que mon frère et moi devions mettre en pratique. Quand mon frère était en attaque, mon père et lui étaient toujours archi concentrés, et préparaient des plans et des tactiques élaborées — toutes sortes de fioritures. Ce qui fait tout le temps rire mon père, c’est que dès que j’étais en attaque, il essayait toujours de me préparer ce genre de systèmes, mais mes yeux faisaient totalement abstraction. Puis il lançait le ballon et je courais tout simplement tout droit, je dépassais mon frère, je sautais, et réceptionnais le ballon par-dessus sa tête comme si j’attrapais un objet sur une étagère. C’était vraiment pas difficile, pour être honnête. (Désolée pour l’affiche, Kai.)

Quand j’ai commencé à vraiment m’intéresser au basket, j’ai voulu faire des essais pour intégrer l’équipe d’AAU de Jefferson City, la ville du Missouri dont je suis originaire. C’est une petite ville, donc le choix était plutôt restreint quand on voulait trouver de bonnes équipes où jouer. Mes parents ont contacté les responsables de l’équipe, mais ils n’étaient pas intéressés. Ils ne m’ont même pas laissée faire un essai. Ils ont simplement répondu : « Non, on est au complet. Désolé. » Pour beaucoup de petites filles, l’histoire s’est peut-être arrêtée là. Il n’y avait tout simplement pas beaucoup d’opportunités de développement pour les jeunes joueuses là d’où je viens. Mais mes parents ? Ça ne leur convenait pas comme réponse. Alors, on a tout simplement monté notre propre équipe.

On s’appelait les Lady Warriors. Ça claque comme nom, pas vrai ? Bon, pour être précise, on s’est d’abord appellées les Red Storm, puis on a changé pour les Lady Warriors. Qu’importe, ça n’a pas d’importance. On avait une équipe!

Mes parents nous avaient même commandé des maillots sur internet. Une fois qu’ils m’ont donné cette opportunité, rien ne pouvait plus m’arrêter. Les Lady Warriors sont devenues une part importante de mon enfance. On a trouvé des filles de villes voisines pour rejoindre l’équipe, et assez vite on est devenues comme des sœurs.

Peu après, on s’est engagées dans des tournois d’AUU au niveau national, et on a commencé à se faire connaître.

Et vous vous souvenez de la première équipe ? Celle que j’avais d’abord voulu rejoindre ? Eh bien, ils m’ont proposé une place.

Mais… nan, très peu pour moi.

Je devais rester fidèle à mon squad.

Quand je repense à tout ça, je suis émerveillée par tout l’amour et toute la confiance que mes parents ont du avoir en moi pour faire tout ça. Tout le temps, tout le travail et tout l’argent qu’ils ont investi pour que je puisse faire ce qui me tenait à cœur. À travers le basket, ils m’ont offert un espace où je me sentais forte et en contrôle de la situation. J’ai pu entrer dans cette bulle où je savais tout simplement où je devais être et ce que je devais faire à chaque instant.

Quand j’étais au lycée, j’ai reçu des offres d’universités de tout le pays. C’était assez déstabilisant, vraiment. Je n’étais pas sûre de là où je voulais aller, mais je savais une chose : pas à UConn.

La raison était simple : je savais qu’elles étaient les meilleures. Mais plutôt que de faire partie de la meilleure équipe, je m’étais mis en tête que je voulais essayer de les battre.

Elles étaient sur une lancée de trois titres de championnes NCAA à la suite, et Dieu seul sait combien d’apparition au Final Four.

Comme je l’ai dit plus tôt, j’aime le suspens. UConn semblait trop prévisible. Comme beaucoup, je prenais presque leur réussite pour acquise.

Quand ils m’ont fait une offre, j’ai décidé d’y aller faire une visite, plus par curiosité qu’autre chose.

Mais ensuite…

Je suis arrivée à Storrs, et c’était fait. C’était plié. Il fallait que je sois dans cette équipe.

Bien sûr, d’un point de vue sportif, c’était incroyable — les joueuses étaient toutes excellentes. Mais c’est la façon dont elles jouaient ensemble qui sublimait leurs talents. Si je voulais vraiment aller aussi loin que possible, je savais qu’il faudrait que je sois à leur niveau.

Mais je pense que ce qui m’a aussi attirée, c’est la manière dont les filles de l’équipe se comportaient les unes avec les autres. Pendant cette visite officielle, on s’est rendues dans l’un de leurs appartements un soir, et on a simplement traîné ensemble, on a rigolé, et on a joué à des jeux de société. Les filles de l’équipe ressemblaient plus à des sœurs qu’à des amies, et d’emblée, elles m’ont donné l’impression de faire partie de leur famille. 

Suite à cela, je savais que je me devais — et que je devais à mes parents, à mes coachs, et à toutes les personnes qui m’avaient aidée à m’élever à un niveau me donnant l’opportunité de faire partie d’un programme comme UConn — d’essayer.

J’ai confirmé ma venue. J’ai pris plein de photos avec toute ma famille et avec mes amis à ma cérémonie de signature. Puis j’ai fait mes valises, et je suis partie pour le Connecticut, pleine d’espoir, de rêves, et d’enthousiasme.

Puis… eh bien, j’ai découvert que jouer pour UConn était bien, bien plus dur que je ne l’avais imaginé.

J’étais venue à Storrs en m’attendant à relever un défi — en m’attendant à devoir me dépasser — et dès les premiers instants, c’est exactement ce qu’il s’est passé.

UConn gagne beaucoup. À présent, c’est un fait pris pour acquis — presque comme l’herbe qui pousse ou le soleil qui se lève.

Mais ce que la plupart des gens ne comprennent pas, et ce que moi-même je n’avais pas compris, c’est que ce n’est pas quelque chose qui se produit comme ça. Pas du tout. Il est facile de supposer que la domination d’UConn est uniquement le résultat du talent des joueuses du programme — et il est certain qu’elles ont énormemément de talent —, mais sa régularité vient du travail.

Le travail de Tous. Les. Jours.

Je ne dirais pas que j’étais arrogante quand je suis arrivée. Je savais qu’on m’intégrait à une équipe avec des joueuses comme Breanna Stewart, Morgan Tuck, et Moriah Jefferson. Et je savais aussi que quel qu’ait été le nombre d’étoiles associées à mon nom au lycée, on n’y était pas une star en tant que freshman.

Mais sérieux, je ne savais pas ce qui m’attendait. Le niveau d’attente était littéralement 100 fois plus haut que tout ce à quoi j’avais été habituée. D’emblée, j’ai été mise à très rude épreuve, physiquement comme mentalement, et on s’attendait à ce que je m’y habitue, vite. Et si ce n’était pas le cas, j’en entendais parler. Encore et encore. Recommencer et recommencer. Jusqu’à ce que j’y arrive… puis me trompe à nouveau inévitablement, et doive tout recommencer une fois encore.

Au lycée, ce n’était pas ça le basket pour moi. On lançait un système, j’allais où j’étais censée être, et on marquait la plupart du temps. Mais à UConn, il ne s’agissait pas tant d’exécuter des systèmes que d’apprendre un tout nouveau langage — un langage très compliqué que tout le monde sur le terrain était censé parler parfaitement. Il y avait quelque chose d’appartement instinctif à ce langage qui ne m’est pas venu naturellement du tout.

Et comme je n’ai pas un naturel très extraverti, certains pensaient que j’étais passive ou timide. Mais plus que tout autre chose, je voulais avoir le déclic et prouver que j’avais ma place dans l’équipe.

Ce que je n’ai pas compris avant bien des années, c’est qu’il fallait que ma confiance en moi soit brisée comme ça. Parce qu’il n’est pas suffisant d’avoir un talent pour quelque chose — pas si vous voulez vraiment être la meilleure. Ce que j’ai appris à UConn, c’est surtout comment apprendre. Tout au long de mes années là-bas, ce que coach Geno répétait le plus pendant les entraînements, c’était qu’il fallait qu’on soit plus intelligentes.

Plus intelligentes, plus intelligentes, plus intelligentes, plus intelligentes, plus intelligentes.

On a entendu cette expression des millions de fois.

Soyez plus intelligentes avec le ballon. Soyez plus intelligentes en défense. Soyez plus intelligentes sur les rotations défensives.

Coach Geno a insisté encore et encore sur l’aspect mental, jusqu’à ce qu’on comprenne que c’était notre préparation et notre état d’esprit — pas nos capacités physiques ou quoi que ce soit d’autre — qui nous mèneraient vers la victoire. Et une fois que j’ai compris ça, et que j’ai vraiment eu le déclic, tout le talent que j’avais emmené avec moi en arrivant à UConn a pu se libérer.

Toute la frustration, tout le travail acharné, désormais, tout cela valait le coup. Et depuis, vraiment, quelle aventure.

Cette première année en WNBA a certainement été la plus folle de ma vie. Partager le terrain avec les meilleures joueuses au monde — pouvoir dire que je fais partie de ce groupe de 144 femmes qu’est la WNBA — ça a plus d’importance que je ne peux l’exprimer.

À présent, je peux me remémorer mes années à UConn et me dire que je suis contente que ma première année ait été si difficile. En fait, c’est sans doute la raison principale pour laquelle ma transition vers la WNBA en tant que rookie s’est faite naturellement. Bien sûr, j’ai appris de tas de choses, c’est une évidence. Mais j’étais prête pour tout ce qui m’attendait car je m’étais préparée à jouer à ce niveau là  tous les jours depuis quatre ans.

J’essaie de profiter de l’instant présent, mais j’ai aussi hâte de ce qui est à venir. Et même si j’ai énormément changé, même si ma vie a énormément changé depuis cette première année d’université, en dehors des terrains, je suis toujours la même personne.

Donc pour tous les amateurs de lecture, pour tous les athlètes, et pour toutes les personnes aux personnalités multidimensionnelles, je vais le dire haut et fort…

Oui, je suis une femme qui prend son pied en lisant des romans policiers.

Ruth Ware! Concentrée! C’est parti!

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