Les joueuses décident de sortir de la convention collective de la WNBA. Cela signifie quoi exactement ?

Dans la foulée des finales WNBA, les joueuses, par le biais de leur association, la WNBPA, ont fait savoir qu’elles sortaient du CBA actuel, leur convention collective avec la ligue et ses dirigeants. Le présent accord régira donc encore la saison 2025 mais c’est tout. Faute d’un nouvel accord trouvé d’ici là, la ligue se retrouvera dans une impasse ! Mais pas de panique, il s’agit là de manœuvres tout à fait habituelles et la nouvelle n’a d’ailleurs pris aucun observateur de court. En fait, c’est même sans doute assez positif. On vous explique tout…

https://twitter.com/TheWNBPA/status/1848445033772663198

Le CBA (Collective Bargaining Agreement) est le contrat qui régit toutes les relations contractuelles entre la ligue et les propriétaires des franchises d’une part, et les joueuses d’autre part, représentées collectivement par leur association, la WNBPA. L’accord actuel avait cours depuis la saison 2020. Pour rappel, il avait été une avancée majeure, salué par tout le monde à l’époque. Quelques temps après son entrée en vigueur, nous en avions analysé quelques conséquences. Ce CBA avait été une première pierre pour des avancées significatives, sur le plan salarial en premier lieu.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et la ligue a continué à se développer de manière exponentielle. Dans la foulée d’une progression importante et constante depuis ces 5 dernières années, les arrivées de Caitlin Clark et Angel Reese auront été un élément de plus pour faire exploser les audiences de la ligue.

Cette explosion des audiences va de paire avec une explosion de la fréquentation des salles, des ventes de merchandising et de league pass. Bref, on vous la fait courte, tous les voyants sont au plus vert. La ligue vient d’ailleurs de signer un deal de 2,2 Milliards de $ de droits de diffusion pour les 11 prochaines années.

Et les joueuses dans tout ça ?

De toute évidence, avec leur échelle de salaire cadenassée au sein du CBA, elles ne profitent pas de cette embellie. La lettre de Chiney Ogwumike au The Players Tribune, nous donne un éclairage très intéressant de la situation. Dans celle-ci, l’ex joueuse des Sparks nous apprend que la ligue a connu une augmentation croissante de ses revenus, logique vu les hausses d’audience et de vente mentionnées juste avant. Ainsi, Chiney indique que la ligue a bénéficié de 102 millions de $ de rentrées en 2019 et que les revenus ont continué d’augmenter de manière significative pour atteindre les 200 millions de $ en 2023. Les chiffres de 2024 ne sont pas encore connu mais au vu de la folie qu’aura représenté cette saison, autant vous dire que personne n’est inquiet.

Dans ce contexte, avec un grille des salaires faiblement indexée de manière contractuelle au sein du CBA, les joueuses ont ainsi vu la part de ces revenus leur étant dévolue passer en dessous de la barre des 10%. Pour reprendre les mots de Chiney, “not cool“.

Le CBA prévoyait pourtant une redistribution des revenus à hauteur de 50% si ces derniers dépassaient les prévisions de la ligue. A notre connaissance, cela n’a jamais été le cas avec pourtant des années à hautes rentrées comme mentionné auparavant. Pourquoi ? Il faudrait être dans les petits papiers de la ligue pour en avoir confirmation mais nous pouvons émettre quelques hypothèses.

La première que l’on peut balayer immédiatement serait un éventuel déficit d’une ligue non-rentable. Cette idée reçue reste encore bien ancrée dans une grande partie du public et il est une bonne fois pour toute temps de lui tordre le cou. En 2018, Adam Silver avait ainsi indiqué que la WNBA avait perdu 10 millions de $ sur son exercice 2018, au cours duquel il se disait que 60 millions de $ de rentrée avaient été enregistrées. Faites le calcul rapide, cela représenterait 70M de dépenses. Peut-on logiquement estimer qu’avec un revenu qui aurait augmenté de 70% dès l’exercice suivant, voire même de 233 % en 5 ans, la ligue ait continué à perdre de l’argent à hauteur de cette augmentation ? Cela nous semble hautement improbable. Les amateurs qui se bousculent au portillon pour acquérir de nouvelles franchises dans le cadre de l’expansion semblent d’ailleurs le meilleur marqueur de la profitabilité de la ligue, à moyen voir même déjà à court terme.

Il ne faut en revanche pas sous-estimer les investissements qu’a consenti la ligue pour accroître son attrait marketing ou certaines conditions de fonctionnement. On pense en particulier à la mise en place des vols privés pour cette saison 2024. Cela pourrait expliquer que la ligue, sur le pur plan comptable puisse produire des chiffres restant dans le cadre de leur prévision et leur permette d’échapper à cette redistribution prévue des revenus. Un autre élément à noter est que si les joueuses touchent une partie des revenus liés à l’affluence et l’audience de leurs matchs, elles ne touchent en revanche aucune part des retombées en terme de merchandising, comme l’avait mentionné une fois Kelsey Plum. Tous ces éléments peuvent expliquer que le pourcentage final sur les revenus globaux soit si faible.

Il est d’ailleurs à noter que la ligue reste seule responsable de la production de ces chiffres. Sans tomber dans le procès d’intention, il est possible que ces chiffres soient optimisés pour arranger au mieux la situation. Encore une fois, sans avoir plus accès à ces informations, ces éléments ne sont qu’hypothèses. Mais cela permet d’établir un peu de contexte.

Toujours est-il que c’est en partie à ce problème que les joueuses ont décidé de remédier. Le gâteau a de toute évidence considérablement grossi et, en tant qu’actrices de ce changement, elles veulent légitimement leur part. La ligue, de son côté, aura certainement à cœur de ne pas trop lâcher la bride, à la fois par simple envie de profitabilité mais également pour conserver suffisamment de marge pour les investissements encore à consentir. Si les revendications sont encore floues à ce stade, surtout en ce qui concerne la ligue, il parait évident que cette part de revenu sera le principal cheval de bataille.

Et concrètement ?

Concrètement, le CBA actuel courrait de la saison 2020 à la saison 2027. Les joueuses disposaient cependant d’une fenêtre pour clôturer cet accord prématurément à la fin de la saison 2025 en en informant la ligue avant le 01 novembre 2024. Voilà donc chose faite. Les deux parties ont donc maintenant une grosse année pour parvenir à un nouvel accord. Si d’ici là aucun accord ne venait à être trouvé, la WNBA ne pourrait pas reprendre pour sa saison 2026 et nous aurions alors droit à un lockout comme la NBA a pu en connaître en 1999 ou en 2011 par exemple.

Pas de panique toutefois. La plupart des observateurs se doutaient depuis des mois que les joueuses sortiraient de l’accord à la première fenêtre. C’est le plus logique pour leurs intérêts. Il suffit d’ailleurs de voir le nombre de joueuses qui ont fait récemment coïncider la fin de leur contrat avec l’année 2026 dans l’espoir de toucher leur gros contrat lors de cette Free Agency.

Du côté de la ligue, pas de surprise non plus. Au vu de l’incroyable vent d’optimisme qui parcourt la ligue, Cathy Englebert, en femme d’affaire consommée, ne pouvait que s’y attendre. Sa réaction a d’ailleurs parfaitement été dans ce sens.

Il ne fait donc nul doute que ce qui se passe là était donc tout à fait anticipé de la part de toutes les parties à mettre autour de la table. Reste maintenant à négocier, et cela se fera peut-être dans la douleur, mais au vu du contexte hautement positif global, nul doute qu’un compromis pourra être trouvé. Comme l’a répété l’association des joueuses “It’s Business“.

Les enjeux

Comme mentionné ci-avant, l’enjeu principal se situera probablement au niveau de la clé de répartition des revenus, et donc une augmentation des salaires pour les joueuses, mais pas que…

Voici les priorités listées par l’association des joueuses :

Comme on le voit, les deux premiers points concernent directement les éléments soulevés dans cet article. Les points 4 et 5 concernent les avantages en cas de retraite et de grossesse, qui peuvent également être gérés par le CBA. Ces points avaient déjà fait le point d’avancées dans le précédent CBA, les joueuses souhaiteraient donc poursuivre l’effort.

Le 3e point évoqué, quant à lui, est un élément qui revient de manière récurrente depuis quelques temps. Il s’agit de la disparité de standard que l’on peut observer entre les franchises en terme d’installations sportives, de conditions d’entrainement, de match, de voyages, de récupération, etc etc… Certaines franchises, affiliées à une franchises NBA ou non (on pense en particulier au New York Liberty, aux Las Vegas Aces ou au Seattle Storm) ont récemment été louées pour leurs installations et le standard d’excellence qu’elles s’imposaient pour accueillir les athlètes. Il semble clair que les joueuses souhaitent pousser d’autres franchises à la traine à rattraper le train (coucou Chicago ? Connecticut ?).

Un élément corolaire de ce point concerne les trajets. De longue lutte, les joueuses ont obtenu de la ligue de pouvoir voyager en vols privés lors de cette saison 2024. Cependant, en raison de ces disparités, c’est la ligue qui prend actuellement en charge ces vols, réduisant de fait leur bénéfice. L’obligation de cette prise en charge par les franchises pourrait être un point permettant à la ligue, et donc aux joueuses, d’augmenter son profit mais également aux joueuses de bénéficier des meilleures conditions de voyage. Reste à savoir ce qu’en diront les propriétaires et la contrepartie qu’ils exigeront.

Bref, vous l’aurez compris, de longues discussions doivent encore se dérouler pour aboutir, on l’espère à un accord qui satisfaira tout le monde pour l’aube de la saison 2026. Et si tout reste à faire, les voyants au vert de cette saison ne peuvent que nous pousser à l’optimisme. Il est toujours plus facile de négocier autour d’une assiette pleine que d’une vide.

It’s Business.

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