Elena Delle Donne se sent trahie et raconte son combat contre la maladie

Vous n’avez pas pu y échapper ces derniers jours. Elena Delle Donne, la MVP en titre et l’une des superstars de la WNBA, a vu sa demande de dispense médicale pour la saison 2020 rejetée par les médecins de la ligue. Atteinte de la maladie de Lyme, “EDD” doit donc décider si elle met sa santé en péril pour un peu plus de 200 000 dollars, ou si elle renonce à son salaire pour ne pas risquer sa vie.

Si la championne des Washington Mystics n’a toujours pas pris sa décision, elle a tenu à expliquer la situation pour que le public comprenne mieux la situation pour le moins inconfortable à laquelle elle est confrontée.

Dans ce texte publié dans le Players’ Tribune et que l’on vous a traduit en intégralité, on découvre une Elena Delle Donne meurtrie, avec le sentiment d’être trahie par une ligue pour laquelle elle n’a jamais hésité à se sacrifier.


Je prends 64 comprimés par jour : 25 avant le petit-déjeuner, 20 autres après le petit-déjeuner, puis 10 autres avant le dîner et 9 autres avant d’aller me coucher.

Je prends 64 comprimés par jour et j’ai l’impression que cela me tue à petit feu. Ou si ça ne me tue pas directement, je suis certaine de quelque chose : c’est très mauvais pour moi. A long terme, prendre autant de médicaments au quotidien est tout simplement mauvais. C’est littéralement un mauvais tour que l’on se joue à soi-même. Un mensonge que l’on raconte à son corps pour qu’il continue de penser que tout va bien.

C’est un cycle sans fin, épuisant et triste. Mais je le fais quand même.

Je le fais parce que j’ai la maladie de Lyme. (Puisque je ne suis pas médecin, je dis que j’ai un “Lyme chronique”. C’est pour moi une manière plus simple de dire que cette maladie continue de m’affecter après plus d’une décennie – plutôt que d’utiliser le terme alternatif : syndrome post-traitement de la maladie de Lyme, avec une infection active et une souche différente de borrélie et de bartonnelle (des bactéries, NDLR), en même temps que d’autres infections).

Prendre 64 pilules par jour est le seul moyen pour moi de contrôler un tant soit peu ma maladie. C’est la seule manière de me garder en assez bonne santé pour pouvoir jouer à ce jeu que j’aime et en assez bonne santé pour faire mon travail et gagner le salaire qui me permet d’aider ma famille. En assez bonne santé pour vivre quelque chose qui ressemble à une vie normale.

Je regrette de ne pas avoir fait davantage par le passé pour parler de la maladie de Lyme. C’est terrifiant de vivre avec une chose pareille, bien que peu de gens connaissent grand chose à son sujet. J’assume ma responsabilité à ce sujet. J’aurais pu utiliser ma plateforme pour aider les gens à prendre conscience de cette maladie et à mieux la comprendre. J’aurais pu aider tellement plus. Je sais que je dois aider bien plus.

Je sais que je dois faire en sorte qu’il ne se produise plus jamais ce qui m’est arrivé cette semaine au regard de la maladie de Lyme. Voici ce qu’il s’est passé.

Quand la nouvelle de la propagation du Covid a commencé à se répandre, je l’ai immédiatement prise au sérieux. Je ne suis pas en train de me vanter. C’est simplement l’instinct de quelqu’un qui a vécu presque dix ans avec la maladie de Lyme. On m’a dit des centaines de fois depuis le début que cette maladie me mettait en danger sur le plan immunitaire. Ce que fait la maladie de Lyme, en partie, c’est affaiblir le système immunitaire. J’ai déjà eu un simple rhume qui a fait partir en vrille mon système immunitaire et m’a provoqué une rechute grave. Une simple vaccination contre la grippe m’a aussi déjà fait rechuter. Il y a tellement de fois où j’ai attrapé quelque chose qui n’aurait pas dû avoir de conséquences mais qui a fait exploser mon système immunitaire et est devenu quelque chose d’effrayant…

C’est quelque chose avec lequel je dois vivre. Quand j’ai lu que les gens immunodéprimés couraient un plus grand risque face au Covid, j’ai pris toutes les précautions possibles. D’ailleurs, je suis consciente que c’est un privilège que la plupart des gens n’ont pas. J’ai traité le Covid comme n’importe quelle personne devrait le faire : comme une question de vie ou de mort.

Donc quand la WNBA a débuté le processus d’organisation de la bulle, j’ai suivi avec attention les mesures qu’elle mettait en place pour la rendre sûre. Je sais que cela a été un énorme travail et beaucoup d’employés de la ligue ont passé un nombre fou d’heures pour protéger les joueuses et rendre les lieux aussi sûrs que possible. Toutefois, on m’a dit qu’il était impossible d’empêcher complètement le virus d’entrer dans la bulle. Puis le nombre de cas en Floride a commencé à augmenter. Et même si la bulle est l’endroit le plus sûr qui soit en Floride, que se passera-t-il si je dois aller à l’hôpital mais que le service est saturé ?

J’avais toujours envie de jouer, mais ça m’a effrayée. J’ai parlé à mon médecin personnel de ce que la ligue prévoyait de faire et il a eu le sentiment que c’était toujours trop risqué.

 Quand la ligue a commencé à examiner le cas des joueurs qui pourraient se voir accorder une dispense d’entrer dans la bulle (en gros, la ligue vous dispense de jouer, mais vous n’avez pas à renoncer à votre salaire), je ne me suis même pas posé la question de savoir si je serais dispensée ou non. Je n’avais pas besoin d’un panel de docteurs employés par la ligue pour me dire que mon système immunitaire était à risque. J’ai joué toute ma carrière avec un système immunitaire à risque !

Je VIS avec un système immunitaire à risque.

Pourtant, j’ai bien suivi le protocole. Le médecin qui me suit pour la maladie de Lyme a écrit un rapport complet détaillant mon historique médical et confirmant le fait que j’étais une personne à risque. Le médecin des Mystics (qui est génial, mais ne m’a jamais traitée pour la maladie de Lyme) a lui aussi écrit un rapport pour, en gros, s’en remettre à mon médecin personnel. Pour lui, j’avais effectivement un profil à risque. J’ai envoyé ces deux rapports à la ligue, comme on me l’a demandé, en même temps qu’un formulaire signé pour renoncer à mon droit de faire appel.

Quelques jours plus tard, le panel des docteurs employés par la ligue, sans m’avoir parlé une seule fois, ni avoir parlé à l’un de mes médecins, m’a informée qu’ils rejetaient ma demande de dispense médicale.

Je suis maintenant face à deux choix : risquer ma vie… ou abandonner mon salaire.

Honnêtement, ça fait mal. Très mal. Peut-être que le fait de me sentir blessée par cela fait de moi une personne naïve. Je sais que les athlètes ne sont pas censées parler de leurs sentiments. Sauf que les sentiments sont tout ce qu’il me reste à l’heure actuelle. Je n’ai pas autant d’argent qu’un joueur NBA.

Je n’ai pas envie de partir en guerre contre la ligue et je ne peux même pas faire appel. Tout ce qu’il me reste, c’est cette douleur. Il faut imaginer à quel point c’est douloureux de voir que la WNBA, un endroit qui représente le plus grand rêve de ma vie aussi loin que je me souvienne, pour lequel j’ai donné mon sang, ma sueur et mes larmes pendant 7 ans, me dit en gros que je suis en tort pour ce qui se passe à l’intérieur de mon corps. Ce que je comprends de leur décision, c’est que je suis bête de faire confiance à mon médecin. Que je simule un handicap. Que j’essaye de fuir le travail tout en continuant de toucher mon salaire.

Ouais, ils m’ont démasquée. C’est pour cette même raison que j’ai joué les Finales l’année dernière avec TROIS HERNIES DISCALES AU DOS. C’est pour cette raison que je m’entraîne sept mois de l’année hors saison, quand personne ne me regarde et quand je ne touche pas mon salaire. C’est pour cette raison que j’ai tellement enfoncé mon corps de 1,96 m dans des avions en seconde classe que je ne sais plus ce que c’est de ne pas avoir des jambes et des pieds dangereusement gonflés.

C’est pour cette raison que je prends 64 cachets par jour. Parce que je suis une joueuse qui invente une maladie pour éviter de jouer au basket. Ils m’ont démasquée.

Pour information, je n’écris pas cette lettre pour faire part de ma décision. Je réfléchis toujours et pèse le pour et le contre.

Mais je voulais écrire cette lettre pour trois raisons.

D’abord, comme je l’ai dit : je sais qu’il est plus que temps pour moi d’endosser un rôle public plus important dans la lutte contre cette maladie. C’est un combat que je livre en privé depuis des années et je suis vraiment désolée de ne pas avoir fait davantage plus tôt. J’ai cette plateforme et je veux aider. J’espère que c’est un bon début.

Ensuite, je sais que la décision face à laquelle je suis placée – risquer ma vie ou renoncer à mon salaire – est loin d’être un cas isolé. A l’heure actuelle, des millions d’Américains sont dans des situations bien pires que la mienne et sont face au même choix. Et bien sûr, beaucoup doivent gérer encore pire que cela. Des millions n’ont aucun travail. Certains, particulièrement noirs et hindous, et encore plus lorsqu’ils appartiennent à la communauté LGBTQ, sont confrontés à l’insécurité et sont sans abri. Je veux leur exprimer ma solidarité.

Enfin, la dernière chose que j’ai à dire concerne la meilleure leçon que j’ai apprise de part mon expérience avec la maladie de Lyme. Il y a tellement de choses dans le monde que l’on ne connaît pas. J’ai commencé à y penser lorsque les premiers symptômes de la maladie sont apparus. J’ai eu des migraines et des suées nocturnes. J’étais exténuée et mon corps me faisait souffrir. Je me sentais horriblement mal constamment. On n’avait toutefois aucune idée de ce que j’avais. Pendant un temps, on n’y comprenait rien. Un médecin pensait que c’était telle ou telle chose. Un autre ensuite pensait qu’il s’agissait d’autre chose et ainsi de suite. Même quand je me suis rendue auprès du docteur qui a trouvé et fait le bon diagnostic car il était versé dans la maladie de Lyme, il y avait encore énormément de choses que l’on ne savait pas. Il y avait un million de traitements différents, beaucoup d’essais cliniques et d’erreurs. Un peu de tout.

Assez curieusement, tout ça m’a servi de révélation.

Je pense que lorsque l’on est jeune et en relativement bonne santé, on voit le monde en noir et blanc, avec des solutions à tout. Si cette chose-là se produit, alors on doit faire ça et les choses s’arrangent. Ou bien quand on se sent malade, on va voir le médecin et tout va mieux. C’est plus ou moins la manière dont je voyais les choses. Mais tout à coup, ce diagnostic est arrivé et j’ai entamé ce voyage autour de la maladie de Lyme. Cela m’a frappée de constater combien il y a de choses que nous ne connaissons pas.

Après 12 ans de ce voyage, je continue de me rendre compte à quel point on sait peu de choses. J’ai le sentiment que ces derniers mois de pandémie durant lesquels nous avons dû faire de notre mieux pour nous adapter ou ces dernières semaines d’activisme social qui ont permis de remettre en question tellement de vieilles structures politiques, ont été un voyage du même genre. Des gens ont découvert des choses qu’ils ne connaissaient pas dans le monde et se sont rendus compte qu’ils avaient encore beaucoup à apprendre.

C’est quelque chose qui peut être assez intimidant, c’est sûr. Le simple fait d’y penser peut être stressant. Mais je pense aussi qu’il y a là quelque chose à en tirer sur la manière dont on traire les gens. On ne peut jamais complètement comprendre ce que quelqu’un d’autre est en train de vivre ou ce qu’il a vécu. Et personne ne peut comprendre pleinement ce que nous-mêmes nous sommes en train de vivre ou avons vécu.

Il y a tellement de choses dans le monde que l’on ne connaît pas. Cela veut dire que le mieux que l’on puisse faire est de s’écouter les uns les autres et d’apprendre les uns des autres, avec autant d’humilité que possible.

J’espère qu’à l’avenir la WNBA aspirera à faire la même chose.

 

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