Pionnier gay et coach d’élite en WNBA, découvrez l’histoire de Curt Miller

Le Sun est l’une des équipes qui montent en WNBA. La franchise n’est pas passée loin de fêter le premier titre de son histoire il y a quelques mois, échouant face à Washington au terme d’une série haletante . Sans les coups de chaud de la MVP des Finales Emma Meesseman, Connecticut serait sans doute à la place des Mystics aujourd’hui. C’est à dire en train d’imaginer comment réaliser le back to back en 2020…

Trouver le moyen d’imiter le parcours de Washington, c’est le job de cet homme que vous avez forcément vu s’animer passionnément au bord du terrain de la Mohegan Sun Arena ces dernières années. Avec ses chemises colorées, ses vestes à carreaux et ses inséparables lunettes, Curt Miller est l’architecte de cette équipe depuis 2015. C’est Brian Agler, dont il était l’assistant chez les Los Angeles Sparks, qui a plaidé sa cause et convaincu le Sun de lui donner les pleins pouvoirs alors qu’il était inconnu du grand public. Ce groupe dont il s’occupe depuis 5 ans est à son image. Fier, combatif, mais aussi fort d’une histoire compliquée qui a forgé sa personnalité.

Miller, 51 ans, n’est pas qu’un formidable technicien, coach de l’année 2017 et génie défensif reconnu. C’est aussi le premier entraîneur masculin ouvertement homosexuel d’une équipe professionnelle américaine. Le chemin qu’il a emprunté pour s’accepter – et se faire accepter – a été long et marqué par des moments très durs. Rien n’est malheureusement simple dans le sport et la société aux Etats-Unis lorsque l’on fait partie d’une communauté historiquement discriminée.

Il dissimulait sa sexualité aux parents des joueuses

Miller a longtemps caché qu’il était gay. Lorsqu’il était au lycée en Pennsylvanie, son image d’athlète doué et populaire auprès des filles lui permettait de ne pas se mettre en danger, mais l’obligeait à jeter un voile sur ce qu’il désirait réellement. A 25 ans, alors qu’il est assistant à Syracuse, dans l’état de New York, il décide finalement de ne plus se mentir et de fréquenter des hommes. Il rencontre ainsi Jamie Broadwell et emménage avec lui. Pour ce qui est de l’avouer à ses employeurs, c’est encore autre chose. Curt Miller est jeune, mais plein d’ambition. Faire son coming out risquerait, pense-t-il, de lui bloquer l’accès aux postes les plus prisés.

C’est lorsqu’il rejoint l’université de Bowling Green State dans l’Ohio que la situation se complique. Les rumeurs sur son compte se multiplient et certains parents d’élèves-athlètes n’hésitent pas à lui demander de s’expliquer.

“Lorsque venait le moment des batailles avec les autres universités pour recruter les meilleurs talents de high school, je me disais que ma sexualité effraierait les familles des joueurs. J’avais le sentiment qu’il fallait que je continue de cacher qui j’étais. Les parents d’une joueuse que l’on voulait recruter m’ont demandé clairement s’il était vrai que je vivais avec un homme. J’ai présenté Jamie comme un colocataire qui était membre de ma fraternité, alors que c’était mon petit ami. Je me suis dégoûté moi-même. Après ça, je me suis promis de ne plus jamais mentir au sujet de ce qui était important pour moi. J’ai donc décidé d’être authentique et honnête pendant le reste de ma carrière”, racontait-il au New York Times.

Ainsi, c’est en connaissance de cause que la fac d’Indiana et ses célèbres Hoosiers lui confient l’équipe féminine en 2012, après 11 années à Bowling Green State, dont les trois quarts passés à dissimuler la réalité : celle d’un homme homosexuel, heureux en ménage et père de deux enfants. Jamie Broadwell n’était en effet pas que son “petit-ami”. Curt Miller et son conjoint de l’époque ont construit une vie ensemble et ont même adopté les jumeaux de la soeur de Broadwell lorsque celle-ci, toxicomane, s’est vue retirer ses droits parentaux.

Curt Miller, le coach du Connecticut Sun
© Lorie Shaull

Son fils a pris 13 ans de prison ferme

Brian et Shawn, nés en 1994, ont longtemps été une source de joie et une force pour Miller, dont les accomplissements à l’échelon universitaire lui ont permis de se faire une réputation de coach compétent, au-delà du côté sensationnel de sa vie privée. Les problèmes ont malheureusement débuté à l’adolescence pour les jumeaux. Brian est alors un élève modèle, aspirant médecin, et un jeune champion de cross-country. Shawn, lui, déteste l’école et a des fréquentations peu recommandables. Au lycée, il balance fréquemment des oeufs sur des maisons et raye des voitures à coups de clé. Des délits mineurs, sans commune mesure avec ce qui attend la famille par la suite.

Curt et Jamie font leur possible pour changer Shawn d’environnement, mais le garçon est déjà entraîné dans une spirale dont il lui est impossible de sortir. En 2014, quelques semaines après sa démission d’Indiana pour raisons de santé et problèmes personnels – vous aurez deviné lesquels – Curt Miller apprend que Shawn a été arrêté pour plusieurs vols à main armée dans des villes voisines. L’arrestation ne s’est pas faite sans heurts. Interpellé sur le campus de son université, Shawn a refusé de se rendre et des coups de feu ont été échangés avec la police. Miller le sait, son fils aurait pu mourir. Une balle l’a même effleuré sur le haut du crâne, lui laissant une cicatrice.

Treize ans de prison ferme. La sanction est lourde, bien qu’allégée par le fait que Shawn ne soit pas majeur aux Etats-Unis. Les mois qui suivent sont douloureux pour Miller, en proie à des soucis cardiaques, au chômage, bientôt séparé de Jamie et contraint de vivre avec la pensée quotidienne que l’un de ses fils est derrière les barreaux pour de longues années. C’est là que sa nature de battant et d’optimiste – celle que l’on retrouve chez Alyssa Thomas, Jonquel Jones et les autres – va prendre le dessus, là où beaucoup auraient plongé.

Curt reste en contact autant que possible avec Shawn, persuadé que les messages, les coups de fils et les paroles de chansons inspirantes qu’il lui envoie vont lui permettre de tenir le coup et de réfléchir, déjà, à la deuxième chance qui lui sera offerte lorsqu’il quittera le pénitencier dans 7 ans. Pas un jour ne passe sans que Curt ne planifie le futur de Shawn. Qu’importe son quotidien forcément bien rempli de General Manager et head coach de l’une des 12 meilleures équipes de basket féminin au monde. En étant un symbole et une pointure dans son métier, il espère montrer à Shawn que l’on peut surmonter les épreuves.

Déjà l’un des meilleurs

Pointure est le terme adéquat. Cela ne fait que cinq ans que Miller est sur l’un des bancs de l’élite, mais il est déjà considéré comme l’un des meilleurs. Comme on dit, les hommes mentent, mais pas les chiffres. En quatre saisons, le voilà déjà dans le top 20 des coaches avec le plus grand nombre de victoires en saison régulière. Seuls quatre autres coaches avant lui avaient démarré leur carrière au plus haut niveau avec au moins 79 victoires au compteur. Sa patte sur le style de jeu du Sun est indéniable, particulièrement au niveau du tempo et de l’engagement défensif. On a sans doute encore pas tout vu de ce qu’il est capable d’apporter à cette équipe, surtout maintenant que des joueuses expérimentées comme DeWanna Bonner et Briann January en font partie.

A 51 ans, Curt Miller a quelques regrets. Ils ne sont pas vraiment sportifs, puisque sous son commandement, le Sun est en progression constante et sera l’un des favoris sur la ligne de départ lors de la saison 2020. Sur ce plan, le meilleur reste à venir. En dehors, en revanche, il aurait aimé être un élément moteur plus tôt dans sa vie. Notamment pour représenter la communauté LGBTQ, particulièrement les hommes gays, à qui on déroule rarement le tapis rouge sur la scène sportive.

“J’ai perdu beaucoup de temps. Ce sont des années où je n’ai pas pu être un mentor et un modèle pour les jeunes comme moi qui rêvaient de faire carrière dans le monde du sport. La visibilité, c’est tellement important… En restant dans ma bulle, je ne pouvais pas proposer cette visibilité. Je n’arrivais pas à me voir comme un coach gay qui avait réussi. Aujourd’hui, j’espère que les gens me voient comme un pionnier.”

En vous racontant son histoire, on espère aussi y avoir un peu contribué. Ce n’est pas un hasard si c’est en WNBA que le premier homme gay à entraîner une équipe professionnelle peut y exercer avec fierté. La ligue est une formidable terre d’inclusion pour la communauté LGBTQ, mais il y a encore du travail. On vous parlera un jour de Kelly Loeffler, la propriétaire très conservatrice du Atlanta Dream ou des liens un peu décevants entre Maya Moore et la ReLearn Church de Dale et Veronica Partridge…

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