Mike Thibault, le chef d’orchestre des Mystics

A 69 ans, Mike Thibault, l’actuel coach des Mystics est, à n’en pas douter, plus proche du crépuscule de sa carrière que de ses débuts. Présent dans le monde du basket professionnel depuis ses 29 ans, il lui aura fallu attendre 40 ans pour décrocher un titre majeur en tant qu’acteur principal de cette réussite. Il ne faudrait toutefois pas y voir un motif de raillerie tant la réussite globale de la carrière du monsieur fait l’unanimité dans le monde du basket, féminin et masculin confondu et ce, depuis des années.

D’un naturel plutôt discret et peu présent dans les médias, Mike Thibault n’est pas dans les premiers noms qui reviennent lorsqu’il est question de mentionner les plus grands cerveaux basket du moment. Au cours de sa carrière, Mike Thibault a successivement enfilé les casquettes de scout, manager, assistant coach ou coach en chef et a pu embrasser toutes les facettes du basketball hors terrain.

Le caractère de Mike Thibault est aussi marqué par une attitude toujours constante face aux obstacles qui se mettent en travers de sa route. Plutôt que de se braquer et s’énerver sur chaque échec, il le relativise, l’accepte et se remet au travail.

© lorie shaull

Et lorsqu’on se penche sur sa carrière depuis ses débuts, la question qui se pose n’est pas tant de savoir ce qu’il a réussit, mais à quel moment il a pu échouer ? Spoiler, pas souvent.

Une enfance et une jeunesse peu destinée au basket

Mike Thibault naît le 28 septembre 1950 à St Paul, dans le Minnesota. Aîné d’une famille de 9 enfants, une première tragédie familiale va marquer profondément le jeune Mike lors de son enfance et sa jeunesse. Son nom ? La mucoviscidose.

Cette maladie héréditaire, qui se caractérise par des lésions au niveau des poumons et du système digestif, va toucher 5 de ses frères et sœurs, qui finiront tous par en mourir. Aucun ne passera son 21e anniversaire. C’est probablement cette épreuve qui donnera à Mike ce détachement et cette persévérance, comme il le précise si bien lui-même :

Je ne sais pas si c’était un mécanisme d’adaptation mais je me disais “C’est comme ça que va la vie”. Je pensais pas que c’était juste pour mes parents ou mes frères et soeurs mais j’ai grandi avec le fait que ça faisait partie de la vie.

Mike Thibault sur son enfance et la gestion de la maladie

A la fin de son adolescence, Mike Thibault hésite alors entre ses deux passions : le basketball et la musique mais se voit plutôt en rock star. Il faut dire que Mike n’est pas grand et pas très athlétique. Et même s’il aime ce sport, il se décrit lui-même comme un joueur assez médiocre. Pas assez bon pour faire partie de l’équipe de son lycée en avant-dernière année, il reçoit la promesse de son coach de pouvoir y rentrer pour sa dernière année avant qu’une rupture des ligaments de la cheville ne vienne mettre un terme aux dernières lueurs d’espoirs. Devant la déception de son élève, son coach lui propose alors de prendre en charge une équipe de jeune, ce qui mettra pour la première fois Mike face à ce contact avec les joueurs.

Lorsque Mike Thibault entame son cursus universitaire, c’est donc vers la musique que s’est porté son choix. Il continue néanmoins à coacher une équipe de lycée et enchaîne donc les univers. Alors qu’il poursuit ses études de manière chaotique, en changeant plusieurs fois d’université, Mike Thibault coache des lycéens tout en se produisant la nuit dans les bars pour essayer de faire décoller une carrière musicale. Petit à petit, il lui faut se rendre à l’évidence, c’est bien vers le basket que son cœur penche.

Il finit par s’engager avec la Saint Martin University, dans l’Etat de Washington. Cette dernière est loin d’être une place forte du sport universitaire. La fac comporte bien des équipe de basket masculin et féminin mais elles se battent péniblement en Division II du circuit NCAA. Pas de quoi s’ouvrir les portes des plus grandes ligues. Durant cette période néanmoins, Mike va en profiter pour parfaire ses connaissances sur le coaching, notamment en participant à des camps organisés par John Wooden, le célèbre coach de UCLA, observant avec beaucoup d’attention sa manière d’approcher les joueurs.

John Wooden, mythique coach de UCLA

Les débuts… en NBA

A sa sortie d’université, en 1979, c’est bien dans le domaine du basket que Mike Thibault va trouver de l’emploi. Et pas n’importe où puisque c’est à Los Angeles, pour le compte des Lakers, en NBA, qu’il se fait engager comme scout. Son travail se fait remarquer puisque quelques mois plus tard, en 1980, il deviendra directeur de la cellule scouting de la franchise pourpre et or jusqu’en 1982.

Pendant cette période, les Lakers gagneront 2 titres. Et si Mike Thibault n’en est évidemment pas un des artisans principaux, notons toute de même que pendant son à la tête de la cellule scouting, les Lakers saisiront l’opportunité de drafter un certain James Worthy en 1982. Lors de cette intersaison, Mike Thibault fera ses valises pour les déposer du côté de Chicago, toujours en tant que directeur du scouting, pour les Chicago Bulls désormais. Il conservera ce poste jusqu’en 1986. Durant son mandat, le front-office de la franchise au taureau posera les bases d’une future dynastie en draftant rien de moins que Michael Jordan en 1984 et en récupérant le pick de Charles Oakley lors de la draft 1985.

La découverte du coaching professionnel

En 1988 est lancée la World Basketball League, une ligue professionnelle masculine mineure qui ne survivra que 4 saisons. Bien qu’assez anecdotique dans l’histoire du sport américain, cette ligue aura au moins eu le mérite de donner la chance au toujours jeune Mike Thibault d’enfin s’essayer au coaching dans le monde professionnel. Lors des deux premières saisons, Mike coachera l’équipe des Calgary 88’s en étant même élu coach de l’année en 1988, lors de sa première année d’exercice.

Cette première expérience sera suivie d’une autre, dans la Continental Basketball Association. Si la CBA ne vous dit rien, sachez qu’il s’agissait à l’époque d’une ligue mineure fortement liée à la NBA qui œuvrait comme une ligue de développement. Une sorte d’ancêtre de la G-League, avant que le lancement officiel de cette dernière en 2001 ne finisse pas sonner le glas de la CBA, mais c’est une autre histoire.

Mike Thibault va ainsi y passer 8 années comme coach et General Manager des Omaha Racers. Sous sa direction, l’équipe ne manquera jamais les playoffs et obtiendra le titre en 1993 avant de retourner en Finale en 1994. Cette expérience sera de nouveau marquante pour Mike puisque pour la première fois il est entièrement au commande et prend la responsabilité de toutes les décisions :

J’ai appris que ce que vous pensiez voir arriver pouvait ne jamais être le cas, parce que la vie change rapidement. Vous devez suivre le mouvement et vous adapter. C’est là que j’ai vraiment appris à coacher.

Mike Thibault sur son expérience en CBA

Cette expérience prend donc fin en 1996 et désormais, Mike est prêt à passer au plus haut niveau et décide de se rappeler au bon souvenir de la NBA. Il commence tout d’abord par effectuer des missions de scouting pour les Hawks, les Knicks et les Supersonics avant d’être recruté par les Milwaukee Bucks pour être l’assistant de George Karl. De 1998 à 2002, Mike aura alors la chance de participer à une des périodes fastes de l’histoire des Bucks avec le Big-Three Ray Allen, Glenn Robinson, Sam Cassell et, entre autres, une Finale de conférence lors de la saison 2000-2001. De la réussite une fois de plus.

La WNBA

En 2003, Mike Thibault est prêt et reçoit enfin l’opportunité de coacher au plus haut niveau. Et c’est le basket féminin et la WNBA qui lui ouvrent les portes. L’équipe du Sun vient de se relocaliser dans le Connecticut et cherche à s’acheter une nouvelle identité après 4 saisons passées à Orlando sous les couleurs du Miracle, couronnées d’une seule participation en Playoffs.

Dès sa première saison, Mike Thibault place son équipe en 3e position et pousse son équipe jusqu’en Finale de la conférence Est. Lors de l’intersaison qui suit, en 2004, Mike retrouve ses premières amours de scout, et prouve encore que, homme ou femme, il sait dénicher les meilleurs talents en draftant la future légende Lyndsay Whalen.

© lorie shaull

Pendant six saisons, Lyndsay va faire les beaux jours du Sun, Avec elle à la mène, Thibault va amener son équipe par deux fois en Finales (2004 et 2005), une autre Finale de conférence (2006), classer trois fois le Sun en 1e place de la régulière (2004, 2005 et 2006) et être élu par deux fois Coach de l’année (2006 et 2008).

Après le départ de Whalen pour sa région natale du Minnesota, Mike Thibault emmènera encore deux fois l’équipe en playoffs (2011 et 2012), en réussissant même en 2012 à terminer de nouveau à la 1e place et retourner en Finales de conférence.

Les Washington Mystics

En 2013, le Sun cherche un nouveau souffle pour son équipe et décide de se défaire de Mike Thibault. Ce dernier voit également cela comme un bol d’air frais et l’occasion d’entamer un nouveau chapitre. Et c’est à Washington, à la tête des Mystics que va s’écrire cette nouvelle page. Il va ainsi lancer une reconstruction en profondeur de la franchise. D’une équipe pas franchement au top, il va, année après année, avec persévérance toujours, en faire ce qu’elle est aujourd’hui, une place forte de la meilleure ligue féminine au monde et championne 2019.

Confiant dans ses capacités de dénicheur de talents, c’est en grande partie via la draft que va s’opérer le renouveau de Washington avec, comme un symbole, ce choix qui semblait au premier abord anodin, au second tour de 2013 : Emma Meesseman, qui finira par se voir décerner la récompense de MVP des Finales en 2019.

Au final, sur l’effectif champion de 2019, pas moins de 6 joueuses ont directement été choisies par Mike : Emma Meesseman (19e choix 2013), Tasha Cloud (15e choix 2015), Shatori Walker (6e choix 2017), Ariel Atkins (7e choix 2018), Myisha Hines-Allen (19e choix 2018) et Kiara Leslie (10e choix 2019). Et l’on peut ajouter à cela les arrivées d’Aerial Powers et surtout d’Elena Delle Donne, issues de trades de joueuses initialement draftées par les Mystics (Tayler Hill pour Powers, Stefanie Dolson et Kahleah Copper pour Delle Donne).

Architecte de cette équipe championne, Mike en est aussi le chef d’orchestre. Parfaitement en phase avec le basket moderne, il a su mettre en place un jeu où les postes sont redéfinis et le passing et le shoot, en particulier à 3 points, sont omniprésents. C’est lui qui a vu en Emma Meesseman plus qu’une intérieure technique et l’a poussé, année après année, à développer son shoot et croire en elle, faisant d’elle la star qu’elle est devenue aujourd’hui.

De John Wooden, il a gardé un principe simple: être honnête avec ses joueurs/joueuses :

Il m’a toujours semblé que les coachs qui étaient les plus honnêtes avec leurs joueurs avaient les meilleurs résultats. J’ai toujours dit à toutes les équipes que j’ai pu coacher : “Vous n’allez pas toujours aimer ce que je dirai, mais ce sera toujours la vérité.”

Mike Thibault

Et ses joueuses vont le lui rendre magnifiquement. Comme Elena Delle Donne qui déclarera sa flamme à l’oreille de son coach sous les paillettes du titre ou Emma Meesseman qui voit en Washington sa seconde famille.

© wnba league pass

Et de famille, il en est souvent question avec Mike Thibault, lui qui semble très proche de ses enfants, eux aussi baignés dans le monde de la balle orange. Carly sa plus jeune fille tout d’abord, qui opère actuellement comme assistante coach de l’équipe féminine de basket de l’Université du Minnesota, sous les ordres d’une certaine … Lyndsay Whalen.

Eric enfin, son fils aîné, son assistant. Eric qu’il destine à prendre sa place dans un futur sans doute plus si lointain. Eric, décrit par son père comme un “cerveau du jeu” et qui aura la lourde tâche de faire se lever un nouveau soleil sur le crépuscule de la carrière de son père.

Une carrière discrète mais incroyablement couronnée de réussite. La carrière d’un homme qui a marqué dans l’ombre, de manière anecdotique ou omniprésente, le destin de plusieurs équipes et légendes du jeu. Un homme honoré par trois fois du titre de Coach de l’année. Le Coach le plus victorieux de l’histoire de la WNBA en saison régulière et qui a désormais (enfin) écrit son nom sur la plus haute marche du podium.

© wnba league pass

Sources :

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