Comète (n.f) : étoile filante, astre visible un certain temps et dont le passage est un évènement. Nul besoin de chercher plus loin que le dictionnaire en ligne de “L’Internaute” pour décrire avec des mots adéquats le parcours de la franchise soeur des Rockets. Une équipe mythique qui, à la fin du siècle dernier, marqua de son empreinte indélébile le monde de la balle orange. Success story, domination, drame humain, lutte de pouvoir, déclin et décadence. À la fin des nineties, tous les ingrédients étaient réunis dans le Texas pour donner vie à un univers impitoyable. Sauf que ce n’est pas à Dallas, mais à 385 kilomètres plus au sud que le décor est planté.
En 1997, alors que la Women’s National Basketball League est sur le point d’entamer son premier chapitre, un incroyable alignement des astres va se produire dans le ciel de Houston. Afin d’augmenter ses chances de remplir les salles, la ligue avait misé sur une stratégie géographique plutôt sensée : les joueuses présumées “élites” seraient réparties selon leur provenance régionale entre les huit clubs inauguraux. C’est ainsi que Sheryl Swoopes, ailière couronnée meilleure joueuse universitaire en 1993 et récente championne olympique, est attribuée à la seule franchise de son état natal du Texas. Si cette désignation n’a rien d’illogique, la suite paraît aujourd’hui invraisemblable.
De l’aveu de Val Ackerman, la première présidente de la WNBA, les instances de celle-ci avaient à l’époque totalement sous-estimé le talent de la guard Cynthia Cooper, pourtant scoreuse prolifique en Europe (en Espagne puis en Italie) et pilier de Team USA depuis les années 80. Déjà âgée de 34 ans, la vétérane ne correspond sans doute déjà plus au profil de jeune star sur laquelle la nouvelle ligue mise pour booster son marketing. Croyant donc répartir équitablement le talent entre les différentes équipes, Ackerman attribue également Cooper aux Comets. Quelques semaines plus tard, lors de la loterie de la draft,la bonne étoile se manifeste à nouveau. Alors que toutes les équipes bénéficiaient d’autant de chances d’obtenir le premier choix, c’est Houston qui tire la boule gagnante. Ce précieux sésame, les Comets en font usage pour sélectionner la poste 4 Tina Thompson, joueuse star de la University of Southern California. Une figure du basket brésilien, Janeth Arcain, est quant à elle choisie en 13ème position. Avec une ossature aussi prometteuse, il ne reste désormais plus qu’à compléter l’effectif au travers de différents tryouts de recrutement.
La cité de la Cooper
Mais lorsque le coup d’envoi de la saison inaugurale est donné, les Comets ne partent pas pour autant avec les faveurs des pronostics. Pour des questions évidentes de rentabilité, ce sont avant tout les gros marchés de New York et Los Angeles que la ligue scrute avec le symbole du dollar en guise de pupille. Pourtant, c’est bien à Houston que les parquets vont prendre feu. Et la suspecte identifiée se nomme Cynthia Cooper, qui a pris l’habitude de jouer avec des allumettes au cours de sa carrière européenne. Avec ses 22.2 points de moyenne (rappelons au passage que, par rapport à la NBA, les matchs sont plus courts de huit minutes), l’arrière, bien secondée par Tina Thompson, mène les Comets à 18 victoires sur 28 rencontres. Sans être particulièrement impressionnant, ce bilan leur permet néanmoins de s’assurer l’avantage du terrain pour les deux seuls tours de playoffs. Après avoir facilement disposé du Charlotte Sting, Houston retrouve en finale le New York Liberty pour ce qui représente déjà le cinquième acte d’une rivalité naissante. En leur infligeant trois défaites sur leurs quatre rencontres, le Liberty s’est révélé être le plus gros challenge auquel la troupe du coach Van Chancellor ait dû faire face en saison régulière. Mais lors de l’ultime face-à-face, les Comets trouvent définitivement la clé de l’équation et remportent leur premier titre sur une large victoire de 65 à 51. Et pourtant, le meilleur reste à venir.
Car à l’entame de la saison 1998, Houston récupère une Sheryl Swoopes qui, enceinte, avait manqué la majeure partie de l’exercice précédent. Ayant enfin l’opportunité d’atteindre leur potentiel maximum, les Comets marchent véritablement sur la saison régulière avec un bilan de 27 victoires pour 3 petites défaites et une avance considérable sur le reste du peloton. Sans surprise, cette domination se concrétise sur des playoffs qui intronisent le format des deux manches gagnantes. Non sans se faire peur face à un Phoenix Mercury qui joue crânement sa chance en Finals, Houston réalise le doublé en remportant les games 2 et 3. Avec ses 22.7 points de moyenne, qui passent même à 25.8 en post-saison, Cooper marche sur l’eau : elle vient de récolter deux titres de championne, deux MVP de régulière et deux MVP de Finals en autant de saisons.
3 for 10
Cette démonstration collective se poursuit avec autant d’autorité l’année suivante. Mais ce n’est pas sans connaître d’intenses turbulences que les filles de Van Chancellor terminent en tête de la ligue pour la troisième fois consécutive. Le drame humain qui se joue en coulisses met en lumière le rôle d’une joueuse probablement sous-estimée jusque-là. Kim Perrot, meneuse titulaire de l’équipe, est une basketteuse dont la taille est inversement proportionnelle à la présence qu’elle occupe dans le vestiaire. Leadeuse vocale importante sur le terrain et de réputation généreuse en dehors, elle est extrêmement appréciée au sein de l’effectif des Comets et même dans la ligue toute entière. Malgré deux campagnes lors desquelles elle est loin d’être une des premières options offensives de son équipe (7.2 points de moyenne), Perrot se révèle pourtant être un élément central du succès des Comets. Sauf qu’à l’intersaison, Kim annonce une bien triste nouvelle à ses coéquipières : elle est atteinte d’un cancer qui, depuis ses poumons, s’est déjà répandu jusqu’au cerveau. Après avoir logiquement fait l’impasse sur la saison 1999, mais tout en soutenant autant que possible ses soeurs d’armes, elle décède le 19 août, sept mois après son diagnostic.
Malgré le poids de l’émotion légitime que suscite la mort de Perrot, les Houston Comets trouveront les ressources mentales nécessaires pour aller glaner un troisième titre, ravivant au passage leur rivalité avec le New York Liberty. Lors d’une émouvante célébration d’après-match, son maillot floqué du numéro 10 est brandi par les joueuses face à un public scandant en boucle “Number 3 for number 10 !” Un jersey qui, jusqu’à aujourd’hui flotte toujours au plafond du Toyota Center des Rockets. Afin de célébrer son impact sur et en dehors du terrain, le Kim Perrot Sportsmanship Award est décerné chaque année par la WNBA à la joueuse jugée la plus fair-play.
Swoopes, I did it again !
Au retour sur les parquets à l’été 2000, sa mémoire perdure sans aucun doute dans les esprits de chacun. Mais sur le plan strictement sportif, l’attraction principale a changé de visage. Dans l’ombre de Cooper jusque-là, Sheryl Swoopes finit par atteindre le statut qui lui était promis au moment du lancement de la WNBA. Désormais considérée comme la figure d’une ligue qui a doublé son nombre d’équipes, l’ailière score près de 21 points de moyenne, en route vers le premier de ses trois trophées de MVP. Complétée par les apports de Thompson, qui termine MVP du All-Star Game cette année-là, et bien sûr de Cooper, c’est une équipe de Houston en mode rouleau compresseur qui s’apprête à entamer une campagne de playoffs entre temps passée à trois tours. Peu importe le nombre de matchs, les Comets ne daignent pas en laisser un seul à la concurrence. Tant pis pour New York qui ne trouvera décidément jamais la solution face à sa bête noire. C’est donc sur le cadavre du Liberty que Houston parvient à réaliser un quadruplé historique dans l’histoire du sport professionnel américain. Sur le plan personnel, Cynthia Cooper entre encore un peu plus dans légende du basket avec un quatrième trophée consécutif de MVP des Finals. Mais ce partage des honneurs individuels au sein de l’équipe ne restera malheureusement pas sans conséquences.
Car l’usure à la fois mentale et physique qu’engendre un règne sans partage de quatres années finissent par révéler le revers de la médaille. Et lorsqu’on analyse de plus près l’effondrement de toute dynastie, on y découvre des luttes de pouvoir. Depuis l’avènement définitif de Swoopes, Cooper a beaucoup de mal à accepter la redéfinition de son rôle au sein de la hiérarchie des Comets. À 38 ans, et au bout d’un parcours pourtant rempli de tous les honneurs imaginables, c’est presque à contre-coeur qu’elle décide de mettre un terme à sa carrière, estimant encore en avoir sous le pied. Dorénavant seule aux commandes, Sheryl Swoopes s’apprête à aller conquérir un cinquième titre. Mais en ce début de nouveau millénaire, le sort a définitivement redistribué les cartes à Houston. Et il se révèle aussi dur qu’il n’a été généreux lors de la création de la franchise quatre ans plus tôt. En pré-saison, Swoopes se rompt les ligaments croisés antérieurs du genou et se voit contrainte de déclarer forfait pour l’intégralité de l’exercice. Esseulée et évoluant pour la première fois sans ses deux partenaires de crime, Tina Thompson parvient malgré tout à maintenir le navire à flot. Mais l’effectif est cette fois trop court pour espérer prolonger l’aventure et les Comets connaissent leur première sortie de route prématurée. Dans une WNBA qui n’avait encore connu aucune autre équipe championne, l’incroyable domination des texanes prend fin sur un sweep infligé par les Los Angeles Sparks d’une Lisa Leslie fraîchement désignée MVP.
Si, à son retour à la compétition la saison suivante, Swoopes récupère sa couronne individuelle et Tina Thompson est toujours un des meilleures joueuses de la ligue, plus jamais le Toyota Center de Houston ne verra le champagne couler à flots en octobre (ni en juin, d’ailleurs, mais c’est une autre histoire). Après trois éliminations consécutives en demi-finales de conférence, les Comets manquent les playoffs pour la première fois de leur existence en 2004. Après le chant du cygne que représente la finale de conférence de 2005, la franchise est vendue une première fois. Mais la crise économique provoquée par le crash boursier de 2008 contraint le nouveau propriétaire à gérer son business avec une extrême prudence. Dans un premier temps, l’équipe déménage dans une salle plus petite avant de carrément passer sous le giron de la ligue qui s’enquiert, déjà, d’un nouvel acquéreur. C’est en 2008, relocalisées temporairement loin d’une ville de Houston dévastée par l’ouragan Ike que les Comets rendent définitivement le tablier sur une victoire contre Sacramento. Le club est officiellement déclaré en faillite et l’effectif est tristement démantelé par une draft de dispersion. Swoopes et Thompson terminent leurs carrières respectives ailleurs, sans jamais avoir l’opportunité de voir leurs maillots retirés.
Des astres au désastre
Après avoir laissé mourir dans des circonstances aussi lamentables sa franchise la plus emblématique, la WNBA voit sa légitimité prendre un sérieux coup, à la fois dans les milieux financiers et sportifs. En plus d’une légion de fans orphelins dans une ville qui les soutenait sincèrement, les Houston Comets laissent derrière elles un impact considérable pour toute une génération de (futures) athlètes américaines, ainsi qu’une marque indélébile dans l’histoire du sport US. En effet, les Comets sont une des deux seules équipes de basket à figurer aux côtés des New York Yankees (baseball), des New York Islanders et des Montréal Canadiens (hockey sur glace) dans la liste des clubs sportifs ayant réussi l’exploit de remporter au moins quatre titres de champions consécutifs. Lorsqu’on réduit ce critère à la seule balle orange, elles ne sont accompagnées que des légendaires Boston Celtics de Bill Russell qui remportèrent huit titres d’affilée entre 1959 et 1966.
Sur le plan individuel, les accomplissements des joueuses ne sont pas moins impressionnants. En quatre saisons, Cynthia Cooper remporte deux trophées de MVP de saison régulière et quatre MVP des Finals. Sheryl Swoopes, elle, pèse 3 titres de MVP de régulière et 3 trophées de meilleure défenseuse de l’année. Quant à Tina Thompson, si elle ne doit se contenter que d’un trophée de MVP du match des étoiles, elle est tout de même nommée neuf fois All-Star et apparaît trois fois dans la All-WNBA First Team. En 2010, elle devient même la meilleure scoreuse de l’histoire de la ligue, avant d’être dépassée par Diana Taurasi en 2017. Chacune des membres de ce Big Three iconique est, encore aujourd’hui, considérée comme faisant partie des meilleures joueuses de basketball de tous les temps. Coachées, qui plus est, par un quatrième Hall of Famer en la personne de l’entraîneur Van Chancellor. Si la courte histoire de la WNBA n’est pas avare en épisodes héroïques, rares furent les équipes à rassembler autant de talent. On dit que la comète de Halley est visible depuis la Terre tous les 76 ans. Faudra-t-il attendre aussi longtemps pour revoir une équipe féminine à Houston ?
Compo all-time (Stats en carrière)
PG : Kim Perrot
- 7.2 ppg, 2.9 rpg, 3.9 apg, 2.6 spg, 0 bpg
- 2x WNBA Champion
- et un supplément d’âme
SG : Cynthia Cooper
- 21 ppg, 3.2 rpg, 4.9 apg, 1.6 spg, 0.3 bpg
- 4x WNBA Champion
- 2x MVP, 4x Finals MVP,
- 3x All-Star
- 4x All-WNBA 1st Team, 2x scoring leader
- WNBA Hall-of-Fame
SF : Sheryl Swoopes
- 15 ppg, 4.9 rpg, 3.2 apg, 2 spg, 0.7 bpg
- 4x WNBA Champion
- 3x MVP, 3x DPOY, 2x scoring leader
- 1x All-Star Game MVP, 6x All-Star,
- 5x All-WNBA 1st Team, 2x All-WNBA 2nd Team
- WNBA Hall-of-Fame
PF : Tina Thompson
- 15.1 ppg, 6.2 rpg, 1.6 apg, 0.9 spg, 0.8 bpg
- 4x WNBA Champion
- 1x All-Star Game MVP, 9x All-Star,
- 3x All-WNBA 1st Team, 5x All-WNBA 2nd Team
- WNBA Hall-of-Fame
C : Michelle Snow
- 8.4 ppg, 6.2 rpg, 1.1 apg, 0.7 spg, 1 bpg
- 2x All-Star, MIP (2003)
6th : Janeth Arcain
- 10.4 ppg, 3.6 rpg, 1.8 apg, 1.4 spg, 0.1 bpg
- 4x WNBA Champion
- 1x All-Star, MIP (2001)
Coach : Van Chancellor
- 65,5 % de victoires en saison régulière et 58,8 % en playoffs
- WNBA Hall-of-Fame
Sources :
Houston’s Comets, the rise and fall of the WNBA’s first dynasty,The Undefeated
How the late, great Kim Perrot keeps the Houston Comets’ legacy alive, The Undefeated
A five-peat? What if Cynthia Cooper hadn’t retired before the 2001 WNBA season ?, Swish Appeal