Si vous avez suivi les Jeux Olympiques de Tokyo, vous n’avez pas pu passer à côté de l’équipe de France de 3×3. Les Bleues ont échoué dans leur ambition de ramener une médaille d’or à Paris, mais celles et ceux qui ont découvert la discipline ont généralement pris leur pied avec un goût de reviens-y. Dans cette équipe , on a pu voir en action la numéro 1 mondiale de ce sport : Laëtitia Guapo.
En marge du partenariat entre son club de Bourges et PUMA, qui sponsorise pour la première fois une équipe de basket féminine, et de la sortie des nouveaux maillots des Tangos, on a eu la chance de discuter avec la joueuse de l’historique club de LNB. A quelques heures du début de la Coupe d’Europe de 3×3 à Paris (du 10 au 12 septembre sur la chaîne L’Equipe) où elle sera à l’œuvre avec ses camarades Migna Touré, Marie-Eve Paget et Soana Lucet, on a causé JO, parcours personnel et avenir avec l’une des athlètes les plus complètes et sympathiques du basket tricolore.
Laëtitia, on a découvert les maillots de Bourges cette semaine pour le début du partenariat avec Puma, dont tu es ambassadrice depuis quelques années déjà. Elles sont rafraîchissantes ces nouvelles tenues ! Les joueuses ont pu participer un peu à l’élaboration ?
Laëtitia Guapo : Je n’ai pas donné mon avis sur la conception, mais je les ai aiguillés par rapport aux tailles. Je n’avais aucune idée de comment ils allaient être. Je les trouve beaux, hyper originaux. Quand on joue à domicile, il y a marqué Tangos sur le maillot, ce qui est super par rapport à l’histoire de Bourges. Je les trouve vraiment bien. Dans les coupes, j’aurais peut-être mis quelque chose d’un peu plus féminin, parce que chez filles on aime généralement bien le dos nageur et que là c’est un peu plus une coupe droite au niveau des épaules, mais ils sont légers et j’adore la matière. J’ai hâte de jouer les premiers matchs avec. Au Prado ou à l’extérieur, on va être jolies sur le terrain cette saison !
Pour ce qui est de Puma, j’ai commencé avec eux dans une série sur Amazon Prime Video, “Only see Great”. J’en suis vraiment très contente. Bourges est la première équipe féminine avec laquelle ils sont en partenariat en France et j’ai été la première athlète. C’est un privilège et un honneur.
Tu es numéro 1 mondiale de 3×3. Est-ce que tu peux nous expliquer comment est-ce qu’on atteint ce statut dans cette discipline ?
Il faut faire beaucoup de tournois, déjà (rires) ! Comme je le dis souvent, ce n’est pas que de mon ressort. Je n’aurais jamais pu prétendre à cette place si on n’avait pas gagné tous ces matchs et fait ces résultats avec mon équipe. C’est un algorithme qui prend en compte les victoires de l’équipe dans un même tournoi. Les victoires en 21 points (le match est stoppé quand une équipe atteint ce total, NDLR) donnent un peu plus de crédits. Et après, ça prend tes statistiques individuelles : points, rebonds, passes, interceptions, etc… A la fin de chaque tournoi, ils utilisent donc leur algorithme et tu ressors avec des points que tu gardes pendant un an, jusqu’à ce qu’il y ait la même compétition l’année suivante.
Il y a malheureusement beaucoup d’abrutis qui critiquent le basket joué par des femmes en parlant d’un manque de spectacle, de qualités athlétiques, etc… J’ai l’impression que même ces gens-là, qui ont peut-être découvert le 3×3 pendant les Jeux Olympiques, ne peuvent rien dire de ce côté-là avec cette discipline.
Beaucoup de gens sont surpris par l’intensité et l’impact du jeu. On nous dit souvent : “On est essoufflé rien qu’à vous voir jouer !” Le 3×3 est spectaculaire dans son format, je pense, et parce qu’il demande des qualités physiques différentes. Nos points forts et nos qualités de basketteuses font qu’on va parfois plus se diriger vers le 3×3 que le 5×5. Je suis hyper contente des retours qu’on a eu à ce sujet parce que c’est une discipline qui mérite de l’engouement. Pour les gens qui ne connaissent pas forcément le basket, le fait que les rencontres soient courtes et que l’on comprenne à chaque fois pourquoi l’arbitre siffle, parce que seules les grosses fautes sont signalées, ça aide aussi.
Tu es donc une joueuse majeure du circuit mondial en 3×3, mais aussi dans la rotation de l’une des meilleures équipes d’Europe en 5×5. Comment est-ce que tu expliques ta présence au haut niveau dans ces deux formes de basket ?
Mes qualités premières, ce sont mon endurance et ma vitesse. Que ce soit en 5×5 ou en 3×3, j’arrive à les exprimer. Au 3×3, c’est ce qui fait la différence. Au bout de 7 minutes de jeu, des filles commencent à être fatiguées. Moi j’ai généralement les ressources pour aller prendre des rebonds et voler les ballons qu’il faut. Pour le 3×3, mes qualités d’agressivité en un contre un, en attaque comme en défense, comptent beaucoup. Tout ça me fait progresser aussi pour le 5×5. Je vois vraiment ces deux disciplines comme étant liées et pas chacune de leur côté. Je sais que le 5×5 m’apporte au 3×3 et vice versa.
Il y a quelques mois, j’avais vu ce sujet sur toi où tes qualités physiques étaient testées sur des exercices divers et variés. Les résultats étaient bluffants et on voyait que tes résultats dans différents domaines étaient similaires à ceux de sprinteuses, de cyclistes ou de triathlètes. D’où te viennent ces qualités athlétiques assez incroyables ?
Toute petite déjà je courais avec mon père. Il était très fort en course à pied. Il faisait beaucoup de cross, il a gagné des courses. Il faisait du foot. Il m’emmenait courir quand il partait pour 10 kilomètres. Comme il ne voulait pas être seul, il prenait sa petite fille avec lui (rires). Il ne m’a jamais vraiment fait de cadeau, mais moi ça me plaisait assez. Ma soeur, au contraire, ça l’a un peu dégoutée. Même si je dois avoir des qualités un peu innées, je sais que c’est en grande partie grâce à mon père que j’ai ces aptitudes physiques-là. Dès la primaire, au CP, il fallait que je gagne tous les cross de l’école (rires) !
En fait, j’ai une famille hyper sportive tout court. Mon grand-père a 76 ans et il fait encore 80 km de vélo trois fois par semaine. Ma grand-mère aussi, même si elle est passée au vélo électrique pour pouvoir suivre mon grand-père. Ma mère fait beaucoup de marche à pied, on a commencé Saint-Jacques de Compostelle ensemble.
Parlons un peu de ces Jeux Olympiques. Même si on sait que vous espériez un meilleur résultat (la France a terminé 4e, NDLR), est-ce que tu te rendais compte que vous étiez très suivies et soutenues à distance ?
L’engouement des gens, c’est vraiment ce qui me fait le plus chaud au coeur dans tout ça. Ça a été hyper dur, hyper intense. On avait jamais eu ce format de compétition avec 10 matchs en cinq jours. On finissait vraiment tard et on rentrait vers 23 heures au village olympique. Le temps de manger, de se doucher, de faire des soins, des bains froids, je me suis couchée vers 3 heures du matin le premier soir ! Je me suis dit que je n’allais jamais tenir. Puis le parcours a été dur. Le fait que l’on perde quelques matchs de poule ne nous a pas aidées, puis le fait de croiser avec les Etats-Unis en demi-finale n’a pas facilité la donne.
Mais à côté de ça, on a vu sur les réseaux que les gens étaient connectés et que l’on était très suivies. Tous les messages d’encouragement que l’on a reçus, c’était fort. C’était particulier parce qu’il n’y avait pas de public, mais d’un côté on n’était pas mécontentes de ne pas jouer le quart contre le Japon avec leurs fans autour du terrain. On a pu voir sur les réseaux que beaucoup de gens nous regardaient. Certaines personnes ne connaissaient pas le basket mais nous envoyaient des messages pour nous dire qu’elles prenaient leur pause au travail pour pouvoir voir notre match, ça faisait vraiment chaud au coeur.
Même après la déception de la 4e place, on nous a envoyé des messages pour nous dire qu’on avait montré des valeurs de guerrières. C’est ce que l’on voulait transmettre. Le fait que les gens aient aimé le 3×3 et nous aient suivies, c’est une petite victoire et c’est très touchant.
Même pour une athlète pro habituée au haut niveau, et malgré le contexte sanitaire, tu as quand même pu te rendre compte de ce que c’était que de vivre des Jeux Olympiques de l’intérieur ?
Au retour en France, on a pu se rendre compte que c’était une aventure exceptionnelle et inoubliable, malgré le résultat. Sur le coup, quand je suis rentrée, j’ai eu besoin de quelques jours pour me couper du monde et retrouver ma famille, mon chéri, pour profiter avec eux. Avec le recul, je me rends compte que c’était incroyable. Vivre dans le village olympique, partager des moments avec d’autres sportifs, être à Tokyo… Même si on n’a pas pu sortir, on prenait le bus et on voyait le paysage. On a fait une semaine dans une autre ville, au pied du Mont Fuji, c’était énorme. Deux semaines hyper intenses en termes d’émotions. On en a pris plein les yeux. Ça donne envie de se battre pour revivre ça à Paris en 2024, à la maison.
Plus jeune, est-ce qu’il y avait une équipe ou des joueuses que tu suivais en particulier ou qui ont été des modèles ou des sources d’inspiration ?
Je viens de Clermont-Ferrand et j’étais au CREPS de Vichy. Ma coach était Isabelle Fijalkowski et elle nous emmenait souvent voir les matchs de Bourges. Donc j’étais fan de Bourges ! Forcément, j’aimais Céline Dumerc et ma joueuse préférée c’était Paoline Salagnac. J’adorais la pile électrique qu’elle était sur le terrain et je me retrouvais un peu en elle. J’ai toujours un peu regardé le basket masculin, mais je n’ai jamais eu d’équipe préférée, même en NBA.
Qu’est-ce que ça représente pour toi, la WNBA ? C’est quelque chose auquel tu pourrais aspirer un jour ou pas du tout ? Parce qu’au niveau de ton profil de jeu, ça pourrait très bien coller là-bas.
Pourquoi pas ? Ce pourrait être un de mes objectifs un jour. Je ne me suis pas trop penchée dessus et ne me suis pas vraiment posée la question jusque-là parce que le 3×3 et l’équipe de France étaient très prenants. Mais la WNBA, ce doit être une expérience de fou. Pour le profil, je le pense aussi et mon agent me dit la même chose. J’ai priorisé ce qui pouvait se passer au 3×3 jusqu’ici, mais aller là-bas un jour c’est sûr que ce serait quelque chose hors du commun.
Depuis que tu es professionnelle, tu as joué avec et contre des Américaines et des joueuses WNBA. Est-ce qu’il y en a une qui t’a marquée plus que d’autres ?
J’étais fan de Kristen Mann (1er tour de Draft 2005, six saisons en WNBA entre 2005 et 2010 avec Minnesota, Atlanta, Indiana et Washington, NDLR) avec laquelle je joue maintenant à Bourges. Quand je jouais à Nice, elle était à Montpellier et un peu à l’apogée de sa carrière en Europe. Quand j’étais à Charnay, elle est venue faire une pige chez nous. Je lui ai dit que j’étais fan d’elle. Aujourd’hui, c’est ma coéquipière et je me considère très chanceuse. Kristen ne se la raconte pas et elle est géniale. Elle a le cœur sur la main, est toujours de bon conseil et est là pour toi quand tu en as besoin avec les mots justes. Sur le terrain, elle fait toujours ce qu’il faut et ce qu’on lui demande. C’est celle qui m’a le plus marquée.