Une semaine, une fac, c’est une nouvelle série que nous vous proposons en cette fin d’année. Vous connaissez sûrement la WNBA, mais il y a un échelon par lequel passent la majorité des joueuses qui finissent dans la grande ligue : le circuit universitaire, la NCAA. Découvrons les places historiques du basket féminin américain..
Après les Connecticut Huskies la semaine dernière, on s’intéresse au Stanford Cardinal (à ne pas confondre, par exemple, avec les Louisville Cardinals) !
Peut-être êtes-vous surpris par l’université choisie cette semaine. Vous aviez sûrement d’autres facs en tête, mais nous voilà aujourd’hui avec Stanford, un établissement souvent relégué au second plan par le manque de résultats récents, mais qui, historiquement, a son importance dans le basket féminin américain.
Pour situer un peu, Stanford, en Californie, c’est l’université d’où vient Nneka Ogwumike (la MVP 2016 et co-star des Los Angeles Sparks) et où coache Tara VanDerveer, ex-sélectionneuse de Team USA, qui possède le deuxième plus grand total de victoires en carrière en NCAAW (juste devant Geno Auriemma, dont on vous parlait la semaine précédente avec UConn). On part donc déjà sur de bonnes bases.
Première étape : devenir crédible en tant qu’équipe de basket
Dites « Stanford » a quelqu’un que vous ne connaissez pas et il vous répondra que c’est une très bonne université. Une université de référence, même, et mondialement connue sur le plan académique. Mais là est la première difficulté : Stanford est plus connu pour son élitisme scolaire que ses exploits sportifs. Il faut changer les mentalités.
Le programme de basket féminin de l’université californienne voit le jour en 1975. Dix ans plus tard ? L’équipe vivote (bilan total autour des 50% de victoires) mais ça ne casse pas trois pattes à un canard. En effet, si on cumule les saisons 84 et 85, ça nous donne 3 victoires pour 25 défaites en conférence. Rien de sensationnel.
C’est d’ailleurs à l’issue de cette dernière saison que Stanford décide de changer de coach afin de passer un cap. Plus facile à dire qu’à faire. L’université n’est pas attrayante pour les meilleurs jeunes athlètes du pays. Elle a la réputation d’être trop brillante académiquement pour avoir du temps et de l’argent à donner au programme sportif. C’est ce qu’on peut appeler un problème de riche. Alors que l’équipe ne pense pas pouvoir trouver un coach expérimenté, le directeur sportif de l’époque convainc contre toute attente Tara VanDerveer.
Mais en quoi est-ce surprenant ? Qui est Tara VanDerveer ? Cette coach vient de passer 5 ans à construire le programme de basket féminin de Ohio State et a mené l’équipe jusqu’au premier quart de finale du tournoi NCAA (Elite Eight) de l’histoire du programme, avec un bilan invaincu en conférence (18-0). Elle n’a donc aucune raison de bouger. De plus, la salle de Stanford n’accueille que 300 spectateurs en moyenne en 1985 et même ses proches lui disent que c’est une mauvaise idée. Son père lui lancera même : «Tu es folle. Dans trois mois tu seras au chômage et tu reviendras vivre avec nous ». Malgré cette absence de soutien, VanDerveer relève le défi.
En quatre ans, l’équipe passe d’un bilan de 1-7 en conférence sans se qualifier au tournoi NCAA (1986), à un parfait 18-0 et une première participation à l’Elite Eight (en 1989). 34 ans plus tard, Tara VanDerveer est toujours coach à Stanford et l’université possède le meilleur palmarès sportif en NCAA (126 titres nationaux tous sports confondus, dont deux pour le basket féminin). Une réputation, ça se change.
Une équipe couronnée trop tôt pour être connue ?
Le succès arrive plus vite qu’on ne le pense. Cette participation à l’Elite Eight de 1989 n’est qu’un prémice. L’équipe revient l’année suivante et survole la saison régulière en ne concédant qu’une défaite (bilan de 32-1). Emmenée par la joueuse NCAA de l’année, la meneuse Jennifer Azzi, l’équipe parcoure la March Madness sans problème, jusqu’à son premier Final Four, où se dresse Virginia. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Une victoire 75-66 et en route pour la finale.
L’autre finaliste est un habitué à ce stade de la compétition : Auburn. Cette équipe a joué les deux dernières finales, mais sans parvenir à remporter le titre. L’expérience est à l’avantage des Tigers qui mènent de 8 unités à deux minutes de la mi-temps. Mais Jennifer Azzi, qui n’a alors encore rentré aucun tir, décide de se réveiller. Les équipes se séparent à la pause sur un score de parité. La deuxième mi-temps sera pour Stanford, qui remporte ainsi son premier titre. Jennifer Azzi, que l’on verra plus tard en France du côté de Valenciennes-Orchies, puis en WNBA où elle dominera la ligue à 3 points pendant trois saisons, est élue MOP (Most Outstanding Player, l’équivalent du MVP) du tournoi.
On ne peut pas tout le temps gagner et Stanford s’en rend compte l’année suivante (1991), avec une défaite 68-60 au Final Four face aux futures championnes, les Tennessee Lady Volunteers de Pat Summitt. Stanford perd alors trois de ses meilleurs joueuses, dont sa star Jennifer Azzi, qui ont fini leurs études. Personne n’a d’attentes immédiates pour cette équipe. Pourtant, elle réussit une saison à 33-3 dans la foulée. Et quitte à surprendre, autant ne pas le faire à moitié.
L’équipe atteint le Final Four et retrouve Virginia (comme lors premier titre). On a alors droit à une scène mémorable. Le match est accroché et avec 11 secondes sur l’horloge, Stanford mène d’un point. Les joueuses décident de jouer la conservation de balle, mais le ballon fuit et la légendaire Dawn Staley, joueuse phare de Virginia, se jette pour récupérer la possession. Les arbitres sifflent la fin du match mais, alors que les équipes se dirigent vers les vestiaires, Staley les rattrape pour leur dire qu’elle avait réclamé un temps mort. L’un des officiels confirme et on rejoue donc pour 0.7 seconde. Le résultat ne changera pas mais Tara VanDerveer dira que c’était « les plus longs sept dixièmes de secondes » de sa vie.
Stanford accède donc à sa deuxième finale en trois ans et écrase Western Kentucky (78-62). La junior Molly Goodenbour est élu MOP du tournoi. L’équipe retrouvera le Final Four trois années consécutives entre 1995 et 1997, mais sans jamais regoûter à la finale. Ce seront d’ailleurs les derniers faits d’armes avant une décennie de vide où l’équipe ne cessera d’échouer dans sa quête de retour au sommet.
Le caractère trop précoce de ces succès a contribué à la méconnaissance de Stanford comme université importante dans le basket féminin. La médiatisation des femmes dans le sport et le basket à l’époque étaient pour ainsi dire inexistantes. Vous ne connaissiez sûrement pas Jennifer Azzi ou Molly Goodenbour, deux joueuses devenues des légendes locales mais dont la réputation n’a que trop peu dépassé les frontières malgré, pour Azzi notamment, une médaille d’or olympique en 1996 avec Team USA
De nombreuses joueuses de Stanford (et de la NCAA de cette époque en général) ne sont pas connues du grand public parce qu’elles jouaient à l’étranger, là où elles pouvaient vivre de leur passion. Peu sont passées par la WNBA, celle-ci n’ayant été créée qu’en 1997, avec la concurrence de l’ABL (American Basketball League) à ses débuts. L’ABL a été créée en 1996, mais a faillite trois ans plus tard. C’est à ce moment que beaucoup de joueuses ont rejoint la WNBA, la plupart étant malheureusement plus proche de la fin de leur carrière que du début.
Si Stanford a gagné plutôt rapidement avec l’arrivée de Tara VanDerveer et montré de la constance sur les résultats, la suite est plus mitigée.
Roller coaster : entre succès et désillusions
Des montagnes russes. C’est un peu l’histoire du programme de Stanford en termes de résultats. Des grandes périodes comme celle des années 1990, puis le vide (entendez par là : aucun Final Four) pendant dix ans, puis une finale en 2008.
Pour atteindre cette finale, il faut une Candice Wiggins (championne WNBA 2011 avec les Lynx et 6e femme de l’année en 2008) de gala. Elle va ainsi par deux fois planter plus de 40 points pour permettre à l’équipe d’atteindre le Final Four et retrouver UConn. La tâche s’annonce compliquée, mais dans les faits c’est une victoire 82-73 sans appel (notons-le car c’est plutôt rare pour Stanford contre UConn). Ce sera aussi une domination sans partage en finale mais au détriment du Cardinal… Tennessee écrase Stanford 64-48. Candice Wiggins s’en va pour faire carrière en WNBA, mais une jeune joueuse prometteuse arrive : Nneka Ogwumike.
Quatre années d’université pour quatre Final Four et même une Finale en 2010. Impact immédiat pour celle qui marquera aussi l’histoire des Los Angeles Sparks quelques années plus tard, pendant que sa soeur Chiney, n°1 de Draft à sa sortie de Stanford aussi, fait ses gammes avec les Cardinals. Cependant la finale sera perdue face à UConn (tiens les revoilà, on en reparle en dessous). Le bilan paraît salé mais Stanford n’avait plus participé à un Final Four depuis 1997 et vient d’en disputer cinq consécutifs. On peut ajouter aussi ceux de 2014 et 2017.
L’équipe s’est replacée sur l’échiquier national et est un poil à gratter pour n’importe qui. Mais les résultats sont en dent de scie et l’équipe n’a jamais retouché le titre. On peut amener deux éléments de réponses : mauvaise fortune et “craquages”. Par craquages, comprenez “éliminations honteuses”. Si Stanford retrouve le Final Four en 2008, l’année précédente, alors que l’équipe est championne de conférence (Pac-12) et qu’elle a hérité d’une tête de série #2, son aventure s’arrête brusquement au second tour avec une défaite face à Florida State, qui est classé #10.
Stanford connaît bien les upsets : une équipe moins bien classée qu’elle qui la surclasse sur un match à élimination directe. L’élimination la plus gênante reste celle de 1998 où Stanford est #1 et perd dès le premier tour face à Harvard #16.
Et quand il y a un parcours presque sans faute, l’équipe rencontre des adversaires mieux armés. Dans ce cas-là, il n’y a pas à rougir. Perdre contre Tennessee ou Connecticut durant la dernière décennie est arrivé à plus d’une équipe, même des excellentes. Les affrontements à la March Madness ont d’ailleurs créé quelques rivalités pour Stanford.
Entre rivalité établie et naissante
Le rival historique pour Stanford, c’est UConn. Oui, encore et toujours UConn. Si les équipes se rencontrent en saison régulière, ce sont surtout leurs rendez-vous à la March Madness qui sont scrutés. Sur 18 rencontres, 6 ont eu lieu au tournoi NCAA pour un bilan de 4 victoires pour UConn et 2 pour Stanford. Leurs matchs se sont presque toujours déroulés au stade du Final Four, mais Stanford a rarement trouvé les clés pour passer l’armada de Geno Auriemma. Un des matchs de référence étant celui de 2010, puisque c’était celui pour le titre. UConn s’imposa 53-47. Cependant cette rivalité a décliné en raison de l’absence d’affrontements récents. En effet, le dernier match opposant ces deux équipes remonte à 2017 et même à 2014 pour ce qui est du tournoi final.
Si on prend plus récemment, il y a une équipe que Stanford a croisé quatre fois sur les cinq dernières années au tournoi NCAA : Notre Dame. Ces deux équipes ne s’étaient pas rencontrées depuis plus de 20 ans et se sont depuis affrontées presque tous les ans dans le tournoi le plus important. En plus d’une bataille sur le terrain, la bataille de coaching est souvent intéressante entre Tara VanDerveer pour Stanford et Muffet McGraw (qui vient de prendre sa retraite après 32 saisons à la tête de Notre Dame). Bien que le bilan soit de parité (2-2) Stanford n’est jamais allé plus loin que le Final Four après ses victoires, tandis que Notre Dame a su concrétiser avec 2 finales). A quand le prochain affrontement ?
Et maintenant ?
Stanford a fini la saison dernière dans le top 10 des équipes du pays et deuxième en conférence derrière l’intouchable collectif d’Oregon emmené par Sabrina Ionescu. Performance encourageante, mais qui n’a pas pu être confirmée en l’absence de March Madness.
Cette année, bien que la saison soit raccourcie, Stanford a une carte à jouer. L’équipe peut compter sur le retour de sa senior Kiana Williams, qui en cas de très bonne saison pourrait être draftée en WNBA, ainsi que de sa junior Lexi Lull. Les deux guards portaient l’attaque la saison passée avec plus de 28 points combinés. Il faut aussi prendre en compte l’apport d’Haley Jones, qui n’avait malheureusement joué que 18 matchs lors de sa saison freshman, gênée par une blessure au genou. Elle apportait déjà plus de 10 points en 25 min de jeu.
Mais la meilleure nouvelle est le recrutement de l’épatante Cameron Brink, une des trois meilleures joueuses de high school du pays. L’intérieure d’1m93 et amie de la famille Curry a tout pour réussir et sera à coup sûr un atout indéniable pour Stanford.
Vous l’aurez compris, l’optimisme est de mise. Je vois Stanford comme un contender et une des équipes les plus intéressantes à suivre sur l’année qui vient et au-delà. Le titre national dès cette année ? Et pourquoi pas ! En tout cas il ne fera pas bon tomber contre cette équipe au moment de la March Madness.